Mexico 86
5.9
Mexico 86

Film de César Díaz (2024)

Mexico 86 par Spectateur-Lambda

Il arrive un moment dans la vie de toute personne s'étant investi dans une action militante où se pose la question de : "Comment continuer la lutte ?". Est-ce qu'on continue à faire le coup de poing quand on arrive à un âge où nos capacités physiques ne sont plus celles de nos vertes années ? Est-ce qu'on ret des structures comme des syndicats ou des partis ? Est-ce qu'on endosse auprès des nouvelles générations le rôle de tuteur, de précepteur ? Acceptons nous peut-être de nous mettre en retrait et de suivre désormais nos combats idéologiques de façon plus distante ? Sacrifions nous toujours à notre idéal les choses essentielles comme la famille ? Or c'est à ces questions que ce film me parait apporter un début de réponse. Une réflexion qui en plus ne s'érige pas comme doxa mais plutôt comme laissant à chacun en sa propre conscience d'y répondre.


A l'entame immédiate du film, Maria est témoin de l'assassinat de son compagnon par la police guatémaltèque, réfugiée avec son bébé chez sa mère elle est contrainte de fuir le pays en abandonnant son fils. Pays sous la coupe dictatoriale de la junte militaire au pouvoir et qui à l'instar de nombreuses autres dictatures sud américaines est motivée par les valeurs d'une droite libérale. Une façon de rappeler à tous ceux qui voient l'extrême gauche partout et comme unique ennemi à la liberté qu'en réalité le cas de Cuba est une anomalie et que les grandes dictatures du continent, Chili, Argentine, Guatemala, Colombie pour ne citer que les plus connues, ont été des gouvernements fascistes, mis en place et soutenus de façon officielle ou en sous main par l'impérialisme des USA pour qui il était inacceptable d'avoir des pays ne serait-ce que socialistes, dans cette partie du monde qu'ils ont de tous temps considérée comme leur arrière cour.


Ellipse et nous retrouvons Maria quelques années plus tard au Mexique où elle vit depuis dans la clandestinité, sous couvert d'une fausse identité elle travaille comme correctrice dans un journal mais son engagement contre le pouvoir de sa patrie d'origine reste intact. Avec d'autres activistes de la cause, elle organise le financement du mouvement révolutionnaire ou l'acheminement d'armes ou bien encore la collecte d'informations. Ces différents aspects de sa résistance la conduisent à entrer en possession d'un dossier, pour lequel ses compagnons ont sacrifié énormément et pour lequel les représentants du régime sont prêts à tout.


Ce dossier contenant les preuves indiscutables des tortures, exécutions et autres arrestations arbitraires perpétrées par la police politique aux ordres. La vie de Maria et de ses camarades est rythmée par la tension permanente, la peur quotidienne d'être démasquée, les risques pris pour faire dénoncer et reconquérir sa liberté. De caches en caches, de processus millimétrés pour échanger avec telle ou telle figure de la diaspora sans attirer l'attention des agents du pouvoir à leurs trousses, le film rend compte de tout cela avec son montage tendu et son rythme haletant. Néanmoins des pauses et des respirations sont permises aux spectateurs comme à notre ionaria à travers son fils, qu' à la faveur d'une visite organisée et à cause d'un élément précis, elle va choisir de dorénavant garder avec elle.


Ce choix de ne plus sacrifier à sa lutte son enfant, va non seulement rajouté de nouveaux enjeux de risques pour elle, son fils, sa famille restée au Guatemala, mais aussi pour ses compagnons de lutte, qui tenteront de la dissuader de ce choix. Elle persuadée de pouvoir mener de front ces deux vies inconciliables, refa la solution normée du mouvement révolutionnaire qui est que les enfants des combattants soient extradés à Cuba auprès de sympathisants, tout comme elle refa d'abandonner sa lutte pour qui elle a déjà tout sacrifié, le respect de la mémoire du père de son fils lui interdit de ne serait-ce que l'envisager.


Film nerveux, tendu, chirurgical dans son écriture, écriture elle-même très bien documentée car ayant pour principale inspiration la mère du cinéaste Cesar Diaz et même s'il est présenté comme une fiction il est évident à plusieurs endroits que la réalité de faits et de dialogues ne peut pas être qu'issue d'un imaginaire. Le film qui hélas n'a pas bénéficié d'une publicité qu'il aurait mérité, très peu de commentaires de la part des critiques, une exploitation en salle réduite à son minimum et pourtant, tant dans sa forme que dans son fond le film est remarquable. Tenu de bout en bout et porté par une Berenice Bejo incandescente !

8
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il y a 3 jours

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