Mémoires d’un escargot
7.5
Mémoires d’un escargot

Long-métrage d'animation de Adam Elliot (2024)

Vous prendrez bien un peu de Tranxen avec votre Prosac, non ?...

Allez, je vais tout de suite mettre les pieds dans le plat parce qu'au fond, je n'ai eu qu'un seul vrai problème avec ces Mémoires d'un escargot. Mais par contre ça a été un vrai gros problème. Un problème qui m'a clairement empêché de vraiment profiter des qualités réelles de ce film. Ce problème, c'est d'ailleurs celui que je me suis permis de mettre en avant avec le titre de cette critique.

J'entends bien évidemment parler de cette culture de la déprime dans laquelle se vautre ce film ; de ce déluge de pathos. De ce feu nourri de tristesse, d'injustice et de glauquerie.


Alors d'accord, c'est le sujet : j'ai bien compris. Tout le monde n'a pas une vie toute rose, et quand tu en as bavé toute ta vie, que le destin s'acharne sur toi, c'est tentant d'adopter la philosophie de l'escargot. C'est tout le propos du film, exprimé de la manière la plus explicite qui soit. Jai bien capté l'idée, là-dessus pas de souci.


Et puis pareil, je me rends bien compte qu'en me plaignant de ça, je plaide un peu, sans le vouloir, pour un cinéma qui se doit de ménager son public. Ça me range presque aux côtés de spectateurs chétifs qui aspirent à du cinéma-détente et qui n'acceptent pas d'être un peu violentés. Moi-même, ça m'indispose de tenir ma propre position, surtout quand on considère à quel point ce film sait offrir de vrais bons moments, très touchants, et trop rares au cinéma.

À dire vrai, je pense surtout à un moment : c'est celui de la mort du père de Grace. Ces gosses qui doivent applaudir régulièrement pour éviter que leur père s'étouffe dans ses siestes, jusqu'à ce que – forcément – ils finissent par se retrouver face à ce moment où les applaudissements deviennent vains... Mais cette scène, tu ne peux pas faire plus mélancolique que ça. Les gosses se contentent juste d'arrêter lentement d'applaudir. Ils savaient que ça allait arriver un jour. À chaque réveil, ils savaient qu'ils bénéficieraient d'un sursis. Et là, c'est le moment où ils ont compris que c'était pour maintenant : l'entrée dans une vie aec moins de douceurs. C'est juste putain de dur. D'autant plus dur que c'est à la fois cru et ambigu ; cette sortie de scène sous les applaudissements.


Il n'empêche qu'en contrepartie, je ne suis pas parvenu à vivre cette accumulation de malheurs autrement que comme une forme d'acharnement sadique à l'encontre de son héroïne de la part de l'auteur de ces Mémoires. Je l'ai vraiment ressenti comme une injonction à nous faire chialer en chargeant inutilement la barque ; surfant sur la vague actuelle du culte des victimes, chose dans laquelle je me retrouve fort peu (et c'est un euphémisme).

Tout est clairement pensé pour en rajouter une couche : les physiques défaits, les dominances de teintes ternes, jusqu'à cette narration en voix off quasiment permanente qui s'impose à nous comme une note d'intention martelée et face à laquelle on ne saurait prendre nos distances.

Il suffit d'ailleurs de considérer le seul rayon de soleil de ce film – à savoir les quelques apparitions du personnage de Pinky – pour constater à quel point la légèreté avait toute sa place dans ce film, ce qui aurait permis à ces Mémoires d'être toutes aussi puissantes, mais bien plus riches et subtiles, évitant ainsi le gouffre du misérabilisme.


Et c'est franchement dommage, parce qu'au-delà de ça – et comme je l'annonçais déjà en intro de ce billet – il est loin d'être exempt de qualités ce film. La direction artistique, bien que tristoune, n'en demeure pas moins pleine de caractère ; l'animation quant à elle est pétrie de savoir-faire et l'écriture se révèle vraiment riche de quelques singularités. Seulement voilà, à trop charger la barque émotionnelle – et surtout à trop la charger sans cesse du même bord sans veiller à équilibrer de l'autre – l'esquif artistique sombre vite et c'est clairement ainsi que, personnellement, j'ai vécu ces pesantes Mémoires d'un escargot : comme une œuvre qui prend l'eau et que se complait dans son naufrage.

Susciter de la pitié, ce n'est pas susciter de l'amour, et force est de constater que l'un tue forcément l'autre, lorsqu'il se montre trop lourd...

(À méditer...)


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le 8 avr. 2025

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lhomme-grenouille

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