Memento est un film envoûtant, embrassant les thèmes d'autres films de la fin du dernier millénaire (comme Matrix) : présentation de villes impersonnelles / anonymes baignant dans une atmosphère "fin du monde", personnages vivant dans un monde violent, dont l'existence peut basculer à tout moment et où le rapport de force est la seule voie possible pour avancer.
Si Memento brille essentiellement par sa forme, avec ce montage antichronologique qui a fait sa renommée, il excelle également dans son interprétation, des premiers rôles (Guy Pearce, si reconnaissable avec ses cheveux peroxydés et son costume trop large, Joe Pantoliano et Carrie-Anne Moss [tiens, comme par hasard issus de Matrix !]) à ceux plus secondaires : notamment Stephen Tobolowski, avec un jeu d'acteur émouvant reposant quasi-exclusivement sur ses jeux de regard, et Mark Boone Jr. en réceptionniste d'hôtel roublard mais bienveillant.
Ce film troublant illustre la dureté et l'individualisme de la société ("je t'aide mais à condition d'y avoir un intérêt" - quitte à fabriquer cet intérêt), montrant jusqu'où l'homme peut aller pour se trouver une raison de vivre, même artificielle (la fin, que je qualifierai d'ouverte, illustre bien à mon sens cette idée : et maintenant, quelle est la suite ?).
Autant ne pas bouder son plaisir donc, et savourer au moins une fois ce complexe Memento oeuvre d'un tout jeune réalisateur. Accepter l'idée de ne pas avoir toutes les réponses, ou que les clés fournies n'ouvrent pas les portes souhaitées, fera encore plus plus apprécier ce grand film :-)
[Parenthèse] Après un début de carrière en fanfare, Christopher Nolan opérera selon moi de malheureuses "sorties de route" cinématographiques qui viendront quelque peu ternir sa filmographie (cf. Tenet étant plus réussi même si pas toujours cohérent). Pour les deux premiers films, la forme l’emporte selon moi sur le fond, et Nolan abuse de scénarios inutilement alambiqués, voire prétentieux, en ayant trop facilement recours au "twist ending" pour (tenter d') expliquer l’inexplicable [Fin de la parenthèse].
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Critique mise à jour en août 2024