Nicole Garcia est au cinéma français des ces dernières années ce que Berthe Morisot fut au courant impressionniste, inspirante (de De Broca, en ant par Resnais, Deville, Sautet, Pinheiro, ou encore Claire Simon) et inspirée (« 15 août », « Le fils préféré », « Place Vendôme »…) elle reste ancrée dans sa vision d’un monde souvent âpre. On la voit peu, elle n’est pas dans la volonté de plaire, juste suivre son parcours artistique atypique et personnel où jamais elle ne renonce. C’est sans doute pour cela qu’elle est un peu négligée, ou sous-estimée par la critique. C’est regrettable, pourtant c’est ainsi. Même si j’ai toujours apprécié son talent (ah « Le cavaleur, 1er souvenir, 1er émoi !), je ne me suis jamais remis du choc quand je l’ai vue sur scène. C’était pour la pièce « Deux sur une balançoire » Belle, intense, fiévreuse, elle était ce soir-là (tout particulièrement) l’incarnation de la femme, une essence de femme… et depuis je l’ire !
C’est pour cela qu’il est toujours difficile pour moi de porter un jugement objectif sur son œuvre. Même si parfois, sur le conseil d’amis à qui j’accorde toute confiance, je préfère faire l’ime, je tenais à voir ce « Mal de pierres ». Je me garderai bien d’en estimer l’adaptation puisque je n’ai pas lu le roman. Juste, je me suis laissé imprégner par cette intrigue romanesque portée par un quatuor d’acteurs que j’apprécie.
Bien m’en a pris ! Non pas que le film soit un chef d’œuvre, il y a un écueil de taille, mais le personnage de Gabrielle s’enserre en vous, vous désoriente et au final vous hante. Nicole Garcia n’a pas choisi l’option suspens prompte à surprendre. Elle dépeint Gabrielle dans ce qu’elle a de plus profond en elle et de ce qu’elle est vraiment. Au mal physique s’ajoute un trouble psychologique sérieux, cette femme est un traumatisme vivant.
La mise en scène aride et très jésuitique, sert parfaitement ce déséquilibre vécu tout autant que la formidable reconstitution des lieux, de l’époque, même si l’on se perd un peu dans la temporalité. Esthétiquement le film est très élégant.
Ce qui pose souci est le jeu parfois inégal de Marion Cotillard. Cela se ressent très fort sur la première partie où elle est jeune fille. La connivence évidente entre la réalisatrice et l’actrice a-t-elle fait que Cotillard était parfois en roue libre au point de se singer elle-même ? Heureusement, les choses changent dès sa rencontre avec Albert (Louis Garrel sobre et éblouissant). L’actrice joue de toutes ses nuances et finit par être largement plus convaincante. Je n’oublie pas Alex Brendemühl et Brigitte Roüan, excellents !
Au final, et c’est ce qu’on pouvait en attendre, le film est anxiogène, troublant et trouvera sa place dans ma mémoire de cinéphile au même titre que tous les autres films qui s’ils n’ont pas détonnés, se laisse revoir avec un grand plaisir.