Ma vie de Courgette se vit. Comme la lecture du Bleu est une couleur chaude de Jul Marot ou l'écoute de Dangereuse de Christophe, ce film a l'aptitude de m'enfermer dans un cocon à chaque visionnage. Pendant comme après, je me sens apte à débarrasser le monde de la Covid, pardonner ses crasses à mon pire ennemi, et trouver que ma voisine nonagénaire a une plastique de rêve. Oui, à ce point, et bien-sûr en adéquation.
Ce film sans mièvrerie ni démagogie aucune a le don de concilier les choses simples aux sujets graves, l'innocence enfantine comme la douceur (voire la noirceur) du monde des adultes, seul ou partagées. Tout le monde ou presque y trouve son compte sans réel effort.
Avec comme perspective de nous montrer l'intégration d'un jeune garçon ayant fraîchement et ambigument perdu sa mère dans un orphelinat, le film consiste en un de situations aussi drôles que tendres, volontiers caricaturales sur certains bords mais dénuée de tout manichéisme crispant, et ce en à peine une heure. Une heure de relations humaines et de circonstances primitives durant laquelle on se surprend à rire de bon coeur face à une clarification puérile sur l'acte sexuel, à s'identifier à travers les fragilités d'Icare, Simon et Camille, ou pour ne citer que, à fondre devant un commissaire (incarné par Michel Vuillermoz) traitant ses plantes comme ses enfants tel un Jean Reno apprivoisé.
Tous ces personnages de pâte à modeler s'épanouissent autant que nous, dont on découvre que l'unique cas d'école dans cette histoire est
la tante de Camille, autant aimante qu'une porte de prison et qu'on croirait tout droit sortie du plus sordide des Hitchcock.
La bande originale concoctée par Sophie Hunger est, bien que principalement conduite par la reprise - préexistante - de Noir Désir, s'harmonise avec cet univers conçu d'une stop motion désarmante et et toute l'espièglerie caractérisant Courgette. Sous la houlette de Claude Barras, celui-ci laisse er ça et là quelques détails de mise en scène étonnants franchissant les frontières de l'animation pour se rapprocher volontiers plus près de nous.
Si dans ses grandes lignes elle n'a rien de réellement originale, cette vie de Courgette sort du lot en étant une production franco-suisse d'une part. Mais surtout, une fable universelle, en tout point satisfaisante. Une dose de joie de vivre à consommer sans parcimonie, rappelant que les choses les plus belles au fond sont les plus ordinaires.