Quel charme étrange que celui de Linda Linda Linda. Etrange comme ce concept de feel good movie mélancolique. Etrange comme la capacité de Nobuhiro Yamashita à nous coller un sourire grand comme ça durant deux heures avec l'histoire pourtant triviale de quatre lycéennes comme les autres qui tentent de se préparer dans l'urgence afin de jouer quelques morceaux devant leurs camarades pour la grande fête de l'établissement.
C'était pourtant mal barré puisque le film commence en plein malaise après une dispute qui a disloqué ce groupe de rock féminin. Ce qui reste du combo décide de reprendre des titres des Blue Hearts et de débaucher une camarade coréenne un peu paumée pour fredonner les paroles de ce groupe punk rock nippon, dont l'éponyme "Linda Linda".
Et Yamashita de dérouler le fil de ces quelques jours, tout en douceur et délicatesse, sans aucun pathos, captant de petits moments anodins : discussions, répétitions, amourettes endormies... Le procédé s'avèrerait particulièrement chiant et anecdotique si le film ne faisait pas preuve d'une sincérité, d'une authenticité et surtout d'une spontanéité tout simplement réjouissantes. Il faut dire que le quatuor d'actrices et les quelques seconds rôles sont absolument formidables, attachants et à mille lieux des clichés épuisants véhiculés par beaucoup d'animes sur le monde lycéen nippon. Rarement dans le cinéma japonais je n'ai eu autant la sensation de voir évoluer de vrais lycéens, aux problèmes et aux attitudes résolument similaires à celles de leurs congénères occidentaux. Avec au centre de tout, cette difficulté maladive à communiquer, à dire les choses, typique de cet âge-là (le personnage de la Coréenne, qui peine à aligner trois mots de japonais, n'en est que l'incarnation la plus évidente).
Yamashita s'écarte rarement du plan fixe, qu'il exploite à merveille pour mettre en exergue tout l'humour qui se dégage de ces quelques jours de panique, durant lesquels les quatre filles vont jongler avec des répétitions en mode système D sans savoir si elles seront fin prêtes pour le jour J. Il se garde bien d'asséner les leçons de morale typiques de ce genre de films, que ce soit sur le déement de soi, l'accomplissement, ou quoi que ce soit d'autre. L'évolution des personnages y est au contraire profondément subtile, presque implicite.
Au milieu de cette bande d'héroïnes, et bien qu'encore une fois il faille souligner la grande qualité du casting, il est impossible de ne pas mettre en avant la performance de Bae Doona, drôle à en CRE-VER. Dans un registre que je trouve très proche du chaplinien, elle donne au personnage de Song un regard d'extraterrestre, une silhouette prostrée, des gimmicks enfantins, une impulsivité naïve réfrénée par la barrière linguistique. Chacune de ses apparitions ou presque déclenche au pire un franc sourire, au mieux un grand fou rire (la scène du karaoké notamment). La cerise sur le gâteau de ce pur concentré de bonheur qu'est Linda Linda Linda.