Un remède à la bêtise ?

Limitless, c'est l'exemple typique du film porté par un concept sympa (ici, une drogue permettant de décupler le potentiel intellectuel de ses consommateurs : les fameux "10% utilisés par notre cerveau") mais dont le scénario en développe maladroitement les possibilités et e même à côté d'enjeux ionnants.


Dans ce troisième film de Neil Burger, on verse même carrément dans le cynisme le plus total.


Ainsi d'un jeune écrivain en panne d'inspiration et sans le sou à qui une vieille connaissance (et dealer à ses heures) propose un cachet miracle censé l'aider à libérer son esprit et sa créativité. Notre héros en prend donc et, voyant son QI exploser le plafond, décide de reprendre sa vie en main, de sauter sa logeuse, de nettoyer son appart, de voler toute la dope de son défunt pote et de troquer son métier d'écrivain (finalement peu ambitieux et pas très rémunérateur) pour celui de spin doctor en restructuration boursière (finalement grand rêve de beaucoup aujourd'hui : du fric, de la frime, de la boule et des caisses de luxe). Se faisant remarquer pour son sens aiguisé des affaires, il devient l'éminence grise d'un vieux pourri en col blanc (incarné par De Niro). Sauf que, entre temps, un mystérieux tueur se lance à ses trousses, un truand ukrainien tente de lui voler ses doses, un avocat (sorti du chapeau du scénariste) tente de le flouer, et son ex-femme désespère de voir l'homme qu'elle aime toujours devenir aussi suffisant et con comme ses pieds.

Car oui, paradoxalement à son QI en hausse, notre héros ne fait qu'accumuler les conneries, bouffe ses cachets comme des smarties sans prendre le temps de les compter pour savoir combien il lui en reste (il n'en a qu'un sachet et ne sait pas où en trouver d'autres, donc il sera inévitablement dans la merde quand il n'en aura plus), ne cherche même pas à savoir qui les a conçus, s'acoquine avec tous les individus les plus infréquentables de New York, s'envoie des putes qui se font tuer sans qu'il cherche pour quelle raison, conduit sa Ferrari comme un taré dans les rues étroite d'un village au soleil, et abandonne tout sens moral au profit de l'illusion du pouvoir.

De toute évidence, intelligence n'est pas synonyme de raison ni de sagesse dans Limitless, ce que viendra confirmer une conclusion en clin d'oeil censé signifier que notre héros, désormais politicien aux dents longues, n'est vraiment pas prêt d'arrêter sa conso perso.


Au final, si on y regarde de plus près, Limitless c'est un peu l'anti-thèse de Will Hunting. Éloge à la poursuite du pouvoir et de l'enrichissement aveugle, critique inassumée d’un système de réussite biaisé, mépris de l'intellect sans ambition financière (Philip K.Dick, dont les thématiques de prédilection ne sont pas loin, a é toute sa vie à écrire dans la misère. Selon Limitless ça devait être un con...), individualisme exacerbé, minimisation de la dépendance aux drogues, Limitless a tout pour taper dans l'oeil de ceux qui rêvent de s'identifier à son héros et de vivre sa réussite au détriment de toute valeur morale.

Un film déjà vieux de dix ans et qui reflète bien les préoccupations de son temps. Sans connaitre la série éponyme qui fut produite entretemps, j'ose croire qu'elle était mieux développée et... plus intelligente.

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le 25 avr. 2025

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Buddy_Noone

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