♫ Back in the U.S.S.R ♫

Dans un plan séquence d'ouverture remarquable, Kirill Serebrennikov nous introduit dans le fameux Leningrad's Rock Club, une salle de concert sous contrôle de l'Etat, où se produisaient des groupes de rock accrédités. C'est dans ce lieu - fil rouge de l'histoire - que nous allons suivre l'évolution parallèle de deux figures locales ayant vraiment existé. Mike Naumenko, leader du groupe Zoopark dont la musique est fortement inspirée des grands succès rock de l'ouest. Et Viktor Tsoï, chanteur du groupe, Kino, qui apporte une touche artistique plus personnelle dans un paysage musical totalement sclérosé, à l'image de Brejnev et sa clique qui s'affichent sur les murs de la ville comme autant de Roc stars taillées dans le ciment idéologique. Viktor Tsoï (le vrai), qui connut une relative popularité de son vivant - étant donné la faible médiatisation de ce genre musical par les autorités - avant de devenir un chanteur culte après sa mort accidentelle en 1990 juste au moment où l'Est commençait à s'ouvrir. Le film fait la part belle à l'évolution conte de ces deux artistes, à leur amitié complexe et à leur répertoire musical. Et s'avère être, d'un point de vue strictement documentaire, tout à fait intéressant et même parfois très drôle : la tête du commissaire à la censure officiant dans le club de rock vaut son pesant de vodka-cahuètes.
Mais le plus réussi à mon avis ne réside pas dans cette approche réaliste de l'histoire mais au contraire dans la partie imaginaire du film. En premier lieu dans cette histoire d'amour à la Jules et Jim que le réalisateur brode autour du trio de l'affiche du film : Mike, la femme de Mike et Viktor. La justesse d'interprétation d'Irina Starshenbaum, la nature complexe des rapports qui s'installent entre les trois amants apportent au film davantage que sa simple dimension musicale.
Autre point fort du film, la puissance onirique que la musique pop occidentale, échangée sous le manteau, va générer chez ces musicos frustrés de ne pouvoir accéder à une vie tout simplement plus rock’n’roll. Rêves de liberté, de rébellion populaire que Serebrennikov s'amuse à mettre en scène dans d'incroyables séquences imaginaires. Le quotidien s'y retrouve transfiguré par ces grands tubes venus de l'Ouest. Ces ages en mode comédie musicale se doublent d'un travail visuel étonnant qui a pour effet de libérer le film de l'entrave du noir et blanc pour accéder à une couleur retrouvée et libératrice. A l'image de ce personnage particulièrement attachant surnommé le Punk, que l'on voit à un moment donné quitter littéralement cet univers d'embrigadement qu'il ne peut plus souffrir pour précisément sortir du cadre et s'échapper dans une autre dimension. Une idée magnifiquement mise en scène comme l'ensemble du film.
Un des grands oubliés de Cannes 2018.


Personnages/interprétation : 8/10
Histoire/scénario : 8/10
Réalisation/photo ++/musique ++ : 10/10


9/10
<3

9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Les plus belles affiches de films

Créée

le 4 janv. 2019

Critique lue 2.1K fois

45 j'aime

14 commentaires

Theloma

Écrit par

Critique lue 2.1K fois

45
14

D'autres avis sur Leto

Letroto pour le dire définitivement, mais pour l'instant c'est ma Palme

Voici ce que j'ai écrit il y a moins de deux jours au sujet du morceau "Summer Will Be over Soon" qui sert de générique de fin à ce "Leto" alors que je l'écoutais en boucle : « Je suis allé voir...

Par

le 14 déc. 2018

67 j'aime

8

Leto
10

Dieu que c'est beau

Je ne savais quasiment rien de Leto avant de voir le film, juste que ça parlait de rock à Leningrad dans les années 80 et c'était une claque monumentale. C'est sans doute le film le plus solaire que...

Par

le 24 déc. 2018

50 j'aime

3

♫ Back in the U.S.S.R ♫

Dans un plan séquence d'ouverture remarquable, Kirill Serebrennikov nous introduit dans le fameux Leningrad's Rock Club, une salle de concert sous contrôle de l'Etat, où se produisaient des groupes...

Par

le 4 janv. 2019

45 j'aime

14

Du même critique

Us

L'invasion des profanateurs de villégiature

Avec Us et après Get Out, Jordan Peele tire sa deuxième cartouche estampillée "film d'horreur". Sans vraiment réussir à faire mouche il livre un film esthétiquement réussi, intéressant sur le fond...

Par

le 21 mars 2019

108 j'aime

33

La gravité et la pesanteur

La quête du père qui s’est fait la malle est un thème classique de la littérature ou du cinéma. Clifford (Tommy Lee Jones) le père de Roy Mac Bride (Brad Pitt) n’a quant à lui pas lésiné sur la...

Par

le 18 sept. 2019

97 j'aime

55

Martien go home

Les films de série B présentent bien souvent le défaut de n'être que de pâles copies de prestigieux ainés - Alien en l’occurrence - sans réussir à sortir du canevas original et à en réinventer...

Par

le 21 avr. 2017

83 j'aime

17