Où sont ées les 20 minutes manquantes de cette version restaurée de 2h10 ? Aucune idée, peu d'informations sur le travail de restauration, mais on peut penser qu'au moins une dimension n'a pas été altérée par cette coupe : "Les Quatre Cavaliers de l'Apocalypse", en dépit de son titre inquiétant et son enjeu majeur (la Première Guerre mondiale), reste avant tout une fresque familiale jouant la carte de la tragédie avec force. L'histoire est originale pour le cinéma muet de son époque (à la différence de la mise en scène, par particulièrement avant-gardiste), et c'est probablement à relier à l'adaptation faite d'un roman espagnol de Vicente Blasco Ibáñez. La situation initiale est développée en Argentine, autour d'un patriarche riche éleveur ayant deux filles, l'une mariée à un Français et l'autre à un Allemand, avec le personnage du petit-fils (interprétation notable de Rudolph Valentino en danseur de tango) occupant une place de choix dans l'organigramme familial. Lorsque le père meurt, les deux familles respectives se séparent, au début des années 1910, pour redre deux parties de l'Europe qui s'opposeront lors du conflit mondial imminent.
On la voit venir, la dénonciation de la guerre en tant que massacre fratricide, avec les deux beaux-frères engagés dans les camps ennemis après le déclenchement des hostilités. Mais ce n'est pas tant le message pacifiste qui retient l'attention, mêlé à différents autres signaux parasites — héroïsation des combattants, célébration du sens du sacrifice, et diabolisation de tout ce qui compte comme âme germanique, avec une séquence collector montrant Wallace Beery en brute allemande délirante, lors de l'occupation d'un château français. Au-delà de l'ampleur de la fresque, la dimension de prophétie et de mythe maintient une emprise assez marquante sur le film, avec les fameux et éponymes cavaliers (les très allégoriques fantômes de la guerre, de la conquête, de la famine et de la mort) se manifestant de temps en temps dans le ciel français au moyen de surimpressions notables. Le style est très bruyant, avec l'emphase classique du muet, avec ses maximes moralisantes érigées en épitaphes, mais l'exercice signé Ingram marque les esprits. "Peace has come, but the Four Horsemen will still ravage humanity, stirring unrest in the world, until all hatred is dead and only love reigns in the heart of mankind."