Dernière collaboration du trio Veber-Richard-Depardieu, Les Fugitifs remet en piste notre duo mal assorti pour de nouvelles aventures qui sonnent comme une variation des deux premiers opus. Comme lors des deux premiers films, le scénario tourne autour d’un enfant. S’il s’agissait dans La Chèvre de retrouver une jeune femme malchanceuse enlevée dans un pays d’Amérique latine et de ramener au bercail un ado rebelle parti sur les routes de dans Les Compères, notre duo est ici confronté à une toute petite fille qui est celle de Pierre Richard. Le paradigme Depardieu-cartésien-homme fort / Richard-maladroit-dépressif / enfant à problème-attachant suit la progression des deux films précédents. L’enfant est de moins en moins un prétexte à la rencontre entre deux hommes que tout oppose, il est aussi un élément moteur du récit.
Si les ressorts comiques dominent le film, une tonalité plus tendre voire plus dramatique occupe un plus large espace. Veber appuie sur la corde sensible avec un Pierre Richard clochard et une fillette tourmentée et autodestructrice qu’on jette à l’assistance publique. Difficile dans ce contexte de maintenir pendant 1h30 une tonalité entièrement légère. Le dur Gérard Depardieu qui sort la petite de son mutisme après l’avoir côtoyée à peine quelques heures et qui traite son père de « connard » à tout bout de champ, cela sonne forcément un peu faux. De même que certaines péripéties qui ne cadrent pas franchement entre le temps du récit et le temps de l’action.
Très clairement ici, l’intrigue est plus mince et pas toujours très bien fagotée, et ce qu’on appelle la trilogie du trio se clôt par son opus le plus faible. Cependant, comme très souvent avec Francis Veber, certaines scènes hilarantes donnent un film de qualité où on rit de bon cœur (le hold up, la visite chez le vétérinaire avec un formidable Jean Carmet, la perruque, etc.). On regrettera que la forte opposition entre les deux acteurs soit progressivement atténuée car c’est elle qui, comme dans les premiers films, donnent les meilleurs moments. L’occasion de rappeler que ce qui fait aussi la réussite de l’ensemble est l’opposition savoureuse entre un Pierre Richard de nouveau excellent (il n’a jamais été aussi bon que chez Veber et on peut regretter que celui-ci ne l’ait plus ensuite fait jouer) et un Gérard Depardieu impérial en dur au grand cœur (on peut aussi regretter de ne plus les avoir vus ensuite tous les deux). Inférieur à La Chèvre et aux Compères, Les Fugitifs reste cependant une bonne comédie française.