Dans le prochain film de Makoto Shinkai, deux jeunes héros détenteurs du vaccin contre le coronavirus choisiront de ne pas le partager et d'aller tousser (et pas dans leur coude) chez tous leurs voisins confinés. Je m'explique sur cette comparaison ci-dessous (avec des spoils).
Voici ce qui ressort des Enfants du temps, film pourtant estampillé "fable écologique" par de nombreux médias : le réchauffement climatique ce n’est pas grave, les sacrifices nécessaires pour le limiter sont grands, alors t’inquiète mange ton big mac tranquille (sans rire c’est quoi cette pub de 10 minutes pour mc do avec un logo dans chaque plan pour finir avec le sandwich qui frétille pour mettre le chaland - vous - en appétit), et au pire quand Tokyo sera submergée on remplacera juste le métro par des péniches !
Pas de mention d’infrastructures réduites à néant, de destruction des récoltes, de pénuries alimentaire, de crise énergétique, de réfugiés climatiques... toute la mégalopole est submergée mais apparement tout le monde s’est relogé pépère dans des 100m2 tout en haut des gratte-ciels. D’accord, mais il n’y a pas assez de place pour tout le monde, les autres gens ils sont és où ? Doit-on comprendre qu'ils se sont transformés, eux aussi, en poissons transparents et vivent une existence heureuse dans les cumulonimbus ? Ou peut-être sont-ils morts noyés pour que nos deux petits héros puissent se faire des bisous sur ce qu'il reste de la Terre plutôt que sur leur nuage ?
C’est grotesque, et franchement irresponsable. Je veux bien que ça n’ait pas vocation à être réaliste, mais même dans l’espace clos du film les incohérences sont grosses comme l’océan (cf. l’exemple du logement cité plus haut). On a besoin de récits positifs sur le monde qui vient mais ça ne signifie pas qu’il faut se voiler la face aussi grossièrement.
Le film dit clairement « nous ne sommes pas responsables » car le climat et l’environnement ont toujours évolué sur cette planète. Certes, mais on mélange ici des ères climatiques et géologiques de très long terme avec l’échelle temporelle humaine et immédiate de la catastrophe qui viendra si on ne fait rien. Ce n’est même pas un récit d’acceptation face à la fatalité, puisque le sort de Tokyo est précisément entre les mains des deux protagonistes, qui choisissent de renoncer dans le dernier acte du film malgré leur pouvoir de changer les choses. Total, BP et Shell se frottent les mains devant un tel éloge du renoncement.
Soit dit en ant, j’avais aimé Your Name, et sans surprise ce nouvel opus du réalisateur est réussi dans la forme, l'animation est appréciable. Mais quelle déception, quel effarement, quelle colère face à un tel message.