La bande-annonce est un outil paradoxale. Souvent elles gâchent les effets de surprise, sur-vendent le produit ou bien ne donnent (à tord) tout simplement pas envie. Il arrive que la promo fonctionne en étant honnête, vendeuse, évasive et que les films tiennent leurs promesses par la suite. Pour en venir au fait, la bande-annonce des "combattants" était vraiment puissante et le résultat est probant.
Dès la première scène le travail sur la cohérence est frappant. Un subtil mélange de singularité et de justesse. Les frères Labrède sont dans un moment de vie fort auquel ils amènent tout de suite leur part de quotidien. L'idée de confronter des ébénistes au choix d'un cercueil est très réfléchie. La situation est fluide et plutôt cocasse.
Cette banalité est amusante à voir confrontée aux délires de Madeleine. Adèle Haenel donne le juste grain de folie à son rôle. La perplexité des deux frères est perceptible. Le film commence par exposer une famille qui se soude dans la douleur. Arnaud ne se donne pas d'autres perspectives d'avenir que d'aider l'entreprise familiale à tourner. Petit à petit les deux jeunes gens vont s'intriguer et s'attirer.
Il flâne et elle est en perpétuel mouvement pour avoir toujours un coup d'avance. Alors Madeleine embarque Arnaud (qui ère sans but) dans sa fuite vers l'avant. Complètement obnubilée par l'idée que le monde court à sa perte elle est à la fois étrangement drôle et percutante.
La scène de repas et sa discussion autour des obsessions de la jeune femme est le pivot du film et de la rencontre entre ses deux principaux protagonistes. Madeleine ne démord pas face aux moqueries de la famille Labrède. Cette confrontation est géniale car elle est d'une pure objectivité. Manu (le grand frère) et sa mère relèvent drôlement bien l'absurde qu'atteint son entraînement mais le fond du propos de la jeune femme est loin d'être ridicule. Arnaud marque cette neutralité du propos en souriant aux allusions dérisoires de sa famille et en avouant la raison des dires de Madeleine.
Il finit donc par la suivre dans ses exercices de survie et se laisse entraîner dans sa folie. Leur complicité est touchante et représente toute la belle ambivalence des "combattants"; atypique et familier. Cet amour qui prend forme peu à peu prend à contre-pied le départ cynique et machiste (« Si c'est ça les meufs cet été, merci et vive la » et autre mauvaises plaisanteries). Les notes de Vitalic étayent cette étreinte qui conclut leur relation exponentielle.
Leur échappée se complique, la survie s'avère difficile et ça commence à sentir le cramé. Scène apocalyptique formidable où le jeune Kevin Azaïs livre une énergie fulgurante et remarquable. Il n'y a pas de fumée sans feu et cette pluie de cendre aurait donné un final en apothéose.
L'épilogue atténue la folie du film et referme sa spirale hypnotique. Terminer sur l'image flou et sombre des phares qui percent le brouillard laisserait libre cours à notre imagination. On aurait pu s'imaginer une suite fataliste, romantique ou simpliste. Toute ce qui suit cette scène extraordinaire est vain dans ce qu'il propose. Réponse convenue et insipide à cette montée en puissance.
"Les combattants" est un premier film à la fois insolent dans le fond et rigoureux dans la forme; acteurs formidables, photographie (belle utilisation de paysages français rarement montrés au cinéma, magnifique pays landais) fabuleuse et musique virevoltante.