La ville de l'ennui

Nous sommes en 1967, et le western classique est mort. Mort? Seules quelques stars irréductibles résistent encore et toujours à l'envahisseur romain (amateur de spaghettis).

Bon, elles ne résistent pas si bien que ça, parce qu'elles n'ont pas de potion magique, et que leur réalisateur peu inspiré se sent obligé de sacrifier au goût pour l'hémoglobine et le sordide instauré par le western italien.

Mais encore, s'il n'y avait que ça : vraiment on s'ennuie dans ce film, au moins autant que les cinq hors-la-loi du titre dans cette improbable ville de bicoques aux intérieurs qui ne semblent pas raccord avec l'extérieur. C'est d'ailleurs un aussi bon point qu'un autre pour commencer. On ne croit pas à grand chose. Par exemple, je sais bien que le brushing impeccable et la robe immaculée dans la rue faite de pas grand chose d'autre que de la boue, c'est une chose à laquelle on est habitués, mais tout de même, on arrive à la fin des années 60, au lieu de copier le western italien pour le pire, on ne pouvait pas travailler un peu le réalisme? Entre la fille moribonde mais dont le maquillage a particulièrement bien tenu, et le cow-boy qui viole une fille avec son pantalon boutonné jusqu'en haut et bien assujetti par le ceinturon de son colt, on ne pouvait pas faire mieux, en terme de crédibilité? Bon, et sinon vous allez dire que j'abuse, mais : c'est cool d'avoir pensé à faire tenir au violoneux son instrument sous l'aisselle plutôt que sous le menton, ça donne tout de suite une couleur. Mais pourquoi ce violon, il a une mentonnière? (oui je sais, c'est le détail inutile dont tout le monde se fout, mais prenez ça pour la goutte d'eau du proverbe).

L'idée de base, c'est un peu celle des Inconnus dans la ville (violent saturday). Mais là où Fleischer se servait de son pitch pour une étude de caractère, ici les personnages, c'est quand même la tristesse.

On a une jeune fille qui aguiche soudain celui dont elle craignait deux minutes avant qu'il ne la viole : littéralement, la scène donne :

"-Oh non! S'il vous plaît, laissez-moi tranquille, je vous en prie, ne me violez pas!

- Mais non, qu'est-ce que tu vas imaginer, j'ai de quoi payer!

-Ah bon? Alors tout va bien!"


Sur les cinq hors-la-loi, on en a deux qui alignent en guise de répliques des rires particulièrement idiots ; un autre qu'on retient uniquement parce qu'il est joué par Jack Elam ; et un tellement inexistant que, lorsque vient son tour de mourir, d'une manière particulièrement visible en plus, je me suis demandé : attends, c'est lequel, lui, déjà? Bref, Henri Fonda serait arrivé seul en ville que ça n'aurait pas changé grand chose! Sauf qu'il fallait des sidekicks pour que James Stewart se fasse les dents.

Des villageois, on aura le droit à la philosophie du marchand de la ville, et pour le reste à une phrase d'une femme, et puis c'est à peu près tout?

Il y a une bagarre dans une grange qui est absolument pitoyable. Je sais bien que Jack Elam et James Stewart ne sont plus dans leur première jeunesse, mais là quand même : faites un effort les gars, parce que le rebondissement de la poulie, je n'ai pas vu pire depuis la flèche portée à la main dans la version du Mahabarata de Peter Brook, et là comme c'est une pièce de théâtre, il y a une excuse!


Bon, vous l'aurez compris, je n'ai pas trop aimé.

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le 18 févr. 2025

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BigDino

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