Cabaretera

Plongée dans le cinéma de patrimoine mexicain avec ce film noir qui appartient à la même période que "Los Olvidados" de Buñuel, et qui partage grosso modo les mêmes codes (mais pas la même acuité malheureusement). Le titre français peut induire en erreur en laissant penser qu'on va s'engager dans les territoires particulièrement mal famés de la capitale Mexico mais en réalité l'essentiel de l'action se situe dans les environs d'un cabaret, Salón México (donnant son nom au titre original) — certes fréquenté par la crème de la mafia. C'est globalement un film de quatre personnages : Mercedes, une entraîneuse travaillant dans le cabaret éponyme ; Béatrice, sa plus jeune sœur pour laquelle elle économise au maximum afin de payer ses études très onéreuses dans une institution privilégiée ; Paco, un gangster qui joue le rôle de proxénète violent en contrôlant tous les aspects de la vie de Mercedes ; et Lupe, un policier particulièrement bienveillant qui essaie d'aider Mercedes à s'en sortir.


L'architecture de la trame narrative souffre un peu des rigidités de son époque et de son style, à savoir le drame social (de la fin) des années 40 très ampoulé dans l'expression des sentiments, des moments de désespoir absolu, des élans de générosité, des phases récurrentes de harcèlement. La dramaturgie repose énormément sur le non-dit : Mercedes assure financièrement l'éducation de sa sœur sans que personne ne le sache, l'agent de police est secrètement amoureux de la fille qu'il protège, et globalement l'héroïne est prisonnière d'une double vie harassante dont elle est la seule à connaître l'étendue des soumissions. C'est en outre un film noir un peu trop sûr de ses portraits, à commencer par celui du bad guy qui paraît tout aussi gratuit (car peu approfondi sur le plan psychologique) que le milieu du cabaret censé concentrer l'incarnation du sordide.


L'occasion en tout état de cause de découvrir l'existence d'un registre cinématographique, le cabaretera (parfois appelé rumberas) : des danseuses de musique afro-caribéenne souvent considérées comme des pécheresses ou des prostituées qui affrontaient les conventions morales et sociales de leur époque. C'est un point de détail qui allège quand même un petit peu la mièvrerie des ages romantiques et le poids de la culture religieuse.

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le 22 mai 2025

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Morrinson

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