Tout au long de ma vision du film, j'ai eu l'impression qu'André Téchiné avait tourné des séquences entières, puis, pour chacune d'elles, en avait enlevé le début au montage. Tout commence à chaque fois in medias res. Alors, ça ne gêne nullement la compréhension de ce qui se e à l'écran. Mais par contre, ça phagocyte toute ampleur.
Je veux dire qu'avec cette histoire entre une sœur et son frère, devenu amnésique (et souhaitant profiter de cette circonstance pour se créer une nouvelle existence !), qui apprennent à se connaître à nouveau, après une longue séparation, il y avait un puissant motif romanesque. D'autant plus que l'intrigue s'étend sur plusieurs saisons. Ce qui est bien mis en relief par le cadre ariégeois, constituant le principal de l'œuvre. Mais le souffle est coupé, alors qu'il y avait un beau potentiel à ce niveau-là.
Il y a un autre problème du même ordre qui est l'impossibilité de voir progressivement l'évolution des personnages, la reconstruction de leurs relations, à la place d'avoir recours, sans cesse, à des ellipses abruptes. Oui, parce qu'en faisant cela, on laisse le spectateur à l'extérieur de leurs émotions. Et pour l'attachement, ben... ce n'est pas l'idéal.
En outre, le cinéaste ne trouve pas mieux que de s'encombrer, dans le dernier quart, d'un motif supplémentaire, tout aussi romanesque, tout aussi profond, mais nettement plus grave, méritant bien plus qu'un traitement de surface vite expédié, à savoir l'inceste. Oui, on ne peut pas employer ce dernier comme un simple expédient pour relancer l'intrigue (qui n'avait pas besoin d'être relancée avec cela... le fait que la sœur étouffe à rester isolée avec son frère, possessif, se suffisait largement à lui-même !).
En dehors de l'évocation de l'inceste, clairement dispensable, voire indécente, quand on n'y a recours que comme expédient, Les Âmes sœurs est loin d'être mauvais. Les éléments présentés sont de belles pièces de puzzle, bien écrites, bien filmées, bien incarnées (Noémie Merlant, Benjamin Voisin et André Marcon sont très bons !). C'est juste que beaucoup d'autres ont été perdues.