Le territoire du Mal

Devil’s Knot présente l’intérêt non négligeable d’interroger ses images, ne cessant de rediff certains témoignages dont le sens se modifie en fonction du contexte, de banaliser ses héros de façon surprenante : l’enquêteur privé Ron Lax échappe à toute entreprise d’éloge ou de spectacularisation, son investigation ne conduit pas à des retournements de situation générateurs de suspense, sa caractérisation ne se fixe jamais ; pour l’interpréter, un Colin Firth spectral, presque en sous-jeu, aussi fade et protocolaire que la plupart des enquêteurs véritables. Atom Egoyan sonde les profondeurs d’un terroir, ausculte un paysage moite où vivent des laissés-pour-compte dans des habitats de fortune : sa caméra capte des symboles religieux qui inscrivent aussitôt les résidents de West Memphis dans une dépendance religieuse voire fanatique que le scénario ne cible jamais directement ; c’est, au contraire, en visant le camp du mal que le long métrage dévoile la malveillance du Bien, celle des braves gens qui demeurent les captifs d’un microcosme défini par le rejet d’une communauté diabolisée d’autant plus facilement qu’elle se revendiquerait du satanisme. Le cinéaste égyptien ne cesse de questionner la propension au crime et les représentations qu’elle engendre (mentales, médiatiques, cinématographiques) : il signe ici une œuvre maîtrisée, quoique redondante et inégalement rythmée.