Biberonné aux plus illustres noms du grand banditisme durant son enfance à Chicago, où le monde des braqueurs sera partie intégrante de son environnement, le cinéaste Michael Mann attendra cependant le succès de son téléfilm Jericho Mile pour porter à l'écran cet univers si familier, à l'occasion de son premier long-métrage pour le cinéma, Thief.
Présenté au festival de Cannes en 1981, Thief est l'adaptation du roman The Home Invaders rédigé par Frank Hohimer, nom d'emprunt de John Seybold, voleur de bijoux décédé en 2005. Des origines qui traduisent parfaitement la volonté du film, de coller au plus près de la réalité, de suinter l'authenticité par tous les pores. Une recherche du "vrai" que l'on retrouve même dans le casting, composé de véritables figures du milieu dont certaines restent encore activement recherchées par le FBI.
Mais loin de n'être qu'un simple film de braqueurs comme il en existe tant d'autres, Thief est surtout une quête extrêmement touchante, celle d'un homme tentant d'accéder à une vie simple, à une existence paisible, aux côtés d'une femme elle aussi abîmée par la vie et fatiguée de courir. Une histoire d'amour émouvante et qui sonne toujours juste, magnifiée par le couple James Caan / Tuesday Weld, parfait de bout en bout.
Encore imprégné de la désillusion des années 70, Thief conserve toute la crasse et le désenchantement de cette décennie, mais tente surtout d'aller vers autre chose, de donner naissance à quelque chose de nouveau. Par le biais d'une mise en scène atmosphérique tout simplement bluffante, d'une photographie remarquable signée Donald Thorin et l'emploi d'une bande-son envoûtante composée par Tangerine Dream (qui sera nommé pour un Razzie Award, allez comprendre), Michael Mann pose les bases de ce que sera le cinéma des années 80, travail qui sera poussé à son paroxysme par le Blade Runner de Ridley Scott et The Hunger de son frère Tony, et bien entendu par Mann lui-même pour les besoins de son maudit The Keep.
Résumant déjà les futures thématiques de la filmographie de Michael Mann tout en propulsant le cinéma vers d'autres horizons par l'intermédiaire d'une fusion presque organique et jouissive entre le son et l'image, Thief est plus qu'un polar, c'est une ultime razzia proprement bouleversante. Une virée nocturne hypnotique et amère où la violence, paroxystique à en crever, scellera irrémédiablement les destins de ceux et celles ayant voulu jouer.