Qu'est-ce qui fait que ce thriller fonctionne si bien?
D'abord, il faut un "bon" mauvais. De ce point de vue le scénario est diabolique.
Le serial killer emprisonné est psychiatre, intelligent et manipulateur. La police à besoin de le consulter pour identifier un autre psychopathe. C'est le premier serial killer qui fait office de "profiler". On a besoin de lui, il le sait et en profite.
Le chef enquêteur est lui aussi manipulateur et envoie une jeune recrue innocente pour l'interroger. C'est pervers, mais c'est un bon calcul.
De plus, on a un second serial killer et pendant qu'on voit le premier, le second reste mystérieux et n'apparait qu'au travers de ses crimes et des pistes que le premier délivre avec parcimonie.
Le premier s'évade et disparait à son tour quand le second commence à sortir de l'ombre. Les institutions font défaut. Le spectateur perd son sentiment de sécurité. On a tendance à sous-estimer Buffalo Bill à cause de l'extraordinaire performance d'Anthony Hopkins qui l'efface un peu, mais c'est un "excellent" mauvais, terrifiant lui-aussi. Inspiré d'Ed Gein, un des plus fameux psychopathes qui horrifia l'Amérique dans les années 50 en tentant de ressusciter sa mère avec des cadavres. Il est à l'origine de nombreux personnages du cinéma, dont Norman Bates du mythique "Psychose" de Hitchcock.
L'évasion est un chef d'œuvre d'horreur et de perversion.
Il y a aussi le choix des acteurs. Jodie Foster, toute fragile, jetée en pâture à Hopkins/Lecter, c'est efficace. Ce vieux cabotin génial d'Hopkins s'empare de son personnage avec délectation. Difficile aujourd'hui d'imaginer quelqu'un d'autre dans ce rôle.
Quand à la réalisation, Jonathan Demme a parfaitement retenu la leçon de ses maîtres. On nous montre toutes les précautions spectaculaires prises autour du prisonnier pour nous faire sentir sa dangerosité de façon plus impressionnante que si on nous le disait.
Il ne film pas directement les scènes les plus horribles. On assiste au mouvement de recul de Jodie Foster quand le médecin de la prison lui montre la photo de l'infirmière attaquée par Lecter. On nous montre longuement les précautions olfactives avant l'autopsie d'une victime, puis le recul général des présents au moment ou l'on découvre le cadavre, ainsi que l'horreur sur les visages. L'imagination du spectateur sera toujours plus forte que les images.
La caméra use des plans serrés chaque fois qu'on veut faire monter la tension. Par exemple, les entrevues de Clarice Starling et Hannibal Lecter commencent en plan large et se réduisent tout au long du film pour finir par un gros plan sur le visage d'Hopkins avec les yeux en limite supérieur du cadre et presque aux angles de chaque côté. On use du même procédé dans le jeu de cache-cache entre Starling et Buffalo Bill.
Jonathan Demme a compris les méthodes d'Hitchcock pour créer le suspens. Il en abuse, souvent avec lourdeur. Dommage, le scénario est terrifiant et les acteurs bien choisis à l'exception de Ted Levine trop palot pour son personnage.
On ne peut pas tout détailler, mais le résultat est que le spectateur est happé par l'horreur et le suspens.