"Le silence des agneaux" fut l'un des films les plus marquants des années 90, au point de contaminer de manière durable l'imaginaire des cinéphiles comme des producteurs et scénaristes du cinéma du monde entier. L'intelligence appliquée de la mise en scène de Demme, qui est l'exemple du bon artisan respectueux de son sujet comme de son public, et la brillance de l'interprétation compensaient largement les défauts d'un sujet putassier et pas très cohérent (Les problèmes des thrillers surévalués de Thomas Harris se révéleraient plus tard, à travers les deux autres piètres adaptations de la "trilogie" de Hannibal Lecter).
Malheureusement, revoir ce "classique" presque 30 ans après sa sortie nous expose forcément à une certaine déception, le film ayant été comme annihilé par les nombreuses copies qui en ont été faites depuis, sans parler de l'impact habituel de la course hollywoodienne à la surenchère permanente, qui fait que tout "vieux" film est automatiquement dévalué, tant sur le plan technique que sur le plan "pavlovien" des réactions qu'il suscite...
On regarde aujourd'hui ce fameux "Silence des Agneaux", sinon avec indifférence, tout du moins d'un œil moins indulgent, que n'aide pas le scénario particulièrement déséquilibré, en particulier dans sa dernière partie, après le coup de force toujours plaisant de l'évasion de Lecter. C'est que beaucoup de choses sonnent faux, de la psychologie à la petite semaine de la fameuse manipulation de Clarice Sterling par Lecter, à la relation entre celui-ci et le Buffalo Bill, en ant par la manière improbable dont l'enquête progresse... On a du coup bien du mal désormais à comprendre pourquoi on a tant aimé le film, cela fait si longtemps déjà.
Plutôt qu'un Antony Hopkins, certes marquant, mais qui a été bien plus juste dans de nombreux autres films, on soulignera la subtilité et la force de l'interprétation de Jodie Foster, qui réussit, elle, à transcender le age des années. C'est finalement le féminisme tranquille et déterminé de son personnage qui est aujourd'hui l'élément le plus sympathique du film, préfigurant les prises de position futures de la grande Jodie.
[Critique écrite en 2013, et retouchée en 2019]