Gilles Grangier, honnête faiseur du cinéma français de papa, auteur de nombreux films souvent anecdotiques, signe ici l'une de ses plus belles réussites.
"Le sang à la tête" est l'adaptation d'un roman de Georges Simenon ("Le fils Cardinaud"), et Grangier parvient à respecter scrupuleusement l'univers provincial et grisâtre de l'écrivain belge.
Jean Gabin incarne un ancien manutentionnaire du port de La Rochelle, qui à force de travail acharné et d'ambition sans limite, s'est hissé au sommet de l'échelle sociale, au point de co-diriger l'entreprise dont il était simple employé. Toute son existence tourne désormais autour de ses rituels professionnels, excepté le jour du seigneur, qu'il consacre à sa femme et à ses enfants en bas âge.
Mais au cours de l'un de ces sempiternels dimanches confortables et ennuyeux, après la messe et le gigot et avant la promenade ou la séance de cinéma, sa jeune épouse disparaît sans crier gare...
En quelques scènes parfaitement troussées, Grangier installe non seulement le décor (très beaux extérieurs du port de La Rochelle) et les protagonistes, mais aussi une atmosphère proche de Simenon et des rapports complexes entre chaque personnage - notamment les relations pleines d'aigreur qu'entretient Gabin avec son milieu de naissance.
Si le scénario reste assez linéaire, avec un dénouement trop poli pour être honnête, on prend plaisir à voir évoluer ce petit univers provincial, parfaitement dialogué par Michel Audiard, où chacun se démène pour améliorer son sort, avec ses propres armes et en fonction de sa morale personnelle (élastique le plus souvent, voire complètement absente...).
A l'arrivée, un vrai bon film trop méconnu, dans lequel on croise divers seconds rôles emblématiques de cette période, tels que Paul Frankeur, Henri Crémieux, Renée Faure, Florelle, ou encore l'inénarrable Georgette Anys dans la peau de la poissonnière Titine.