Le Retour de Mary Poppins est oubliable, ou pis qu'oubliable : on aimerait l'oublier, et on sait que certaines scènes nous resteront en travers de la gorge, comme cette suffragette absolument ravie que cet homme charmant la porte sur son vélo (heureusement qu'il y a des mâles pour aider les féministes) et ce banquier sauvant la famille de la pauvreté (heureusement qu'il y a des placements financiers pour sauver les opprimés, s'ils restent pauvres, c'est vraiment faute de participer au système, surtout à une période aussi connue pour sa débauche économique que la Grande Dépression ! Oh wait...). Précisons que l'on a difficilement pitié de la misère de cette famille qui possède une femme de ménage inutile, un appartement immense à cinq minutes de Big Ben, un autre grand appartement un peu plus loin, qui est gracieusement aidée par la solidarité entre les déshérités et deviendra ensuite sans aucun mérite une nouvelle famille d'héritiers... Le film est donc malsain sans avoir aucune qualité pour le faire reluire en quoi que ce soit, sinon peut-être pour Blunt et Whishaw. Aucune mélodie n'est jolie, aucune scène inspirée, au contraire, le tout est d'un cheap absolument indécent de la part de Disney et trahit la volonté de l'entreprise de capitaliser sur la nostalgie sans rien investir. On citera peut-être la scène des falotiers comme une réussite, au moins quelque chose d'un peu neuf, si l'on est complètement aveugle à sa laideur scandaleuse, entre chorégraphie anarchique, montage trop rapide, changements constants d'angle de vue, gestion catastrophique des avant et arrière-plans, on aurait voulu saboter Rob Marshall qu'on n'aurait pas mieux fait, et il est encore pire de se dire que Marshall est content de son produit. Le remake était au moins l'occasion d'une nouvelle démonstration technologique, d'un tour de force visuel comme pouvait l'être le film original en son temps, las, il imite platement (et en fait moins joliment encore) ce qui, il y a cinquante ans, pouvait apparaitre comme des trouvailles. Les petits enfants seuls apprécieront peut-être sa fantaisie, mais celle-si est si peu inventive que ce n'est même pas sûr et que ce n'est pas un cadeau que de leur offrir cette oeuvre opportuniste et curieusement interminable. J'aurais mieux fait de placer les dix euros qu'a coûté ma place à la banque... comme quoi, j'ai bien compris la leçon du film !