Trois bouts de bois et deux bouts de ficelle.
Ici tout est question d'époque, d'âge et de références.
Si vous êtes nés après la sortie de Terminator 2, il y a peu de chance que ces quelques mots vous touchent, et puis après, on ne peut pas plaire à tout le monde, c'est même dangereux d'essayer.
Petite histoire dans l'histoire.
Un été comme les autres ou presque, à cela près que nous étions quelques bons copains à attendre que le bug de l'an 2000 nous tombe sur le coin du pif - mais il semblerait qu'on y ait échappé de justesse.
Je vous parle d'un temps où les modems faisaient encore " Bzzzz grrr scrrriiiiii wuuuzzzzzz " avant de vous offrir une connexion aussi fragile qu'aléatoire. Un temps où facebook n'avait pas encore réinventé l'amitié, comme il est dit dans la réclame, un âge préhistorique où nous avions beau avoir découvert le feu, le mot buzz n'était encore qu'un sobriquet amusant pour ce bruit de ronflette qui sort de l'ampli quand on branche sa guitare mal rafistolée et qu'on essaie de brailler comme Kurt Cobain. Un autre temps, un autre siècle en somme.
Surgies d'on ne sait où, quelques affiches énigmatiques invitaient les plus curieux d'entre nous à faire une expérience d'un nouveau genre, du moins c'est ce qui transpirait de ces quelques lignes d'accroche particulièrement alléchantes : " En octobre 94, trois étudiants en cinéma disparaissent dans une forêt du Maryland au cours d'un reportage sur la sorcellerie. Un an plus tard, on a retrouvé leur film. "
Et pis c'est tout ! Rien d'autre. Rien que cette étrange croix et ce demi regard affolé qui en cache plus qu'il n'en montre. Pas de réalisateur, pas de casting, rien.
Fallait-il être à cette première séance de 14h le mercredi de sa sortie pour raconter cette expérience avec toute la puissance qu'elle mérite ? Je ne pourrais pas dire, mais nous en fûmes, et pour notre argent, croyez-moi.
Car lorsque personne ne vous a rien raconté, rien dit, pas la moindre allusion, ni critique ni revue de presse, rien... Eh bien sachez que le Projet Blair Witch avait de quoi nous donner ( à l'époque ) une sacrée gifle à laquelle nous n'étions finalement qu'assez mal préparés.
Alors je sais, les années ont é, la recette s'est éventée après les premières vingt quatre heures, ceux de la deuxième séance ont eu moins peur, et ceux d'après encore moins, peut-être, allez savoir.
N'empêche... é le sentiment de nausée, de gêne, d'incrédulité, de tout ce que ce film peut provoquer chez le spectateur qui, en 1999, s'attend à peu près à tout sauf à ça, eh bien croyez-en sur parole le témoignage d'un amoureux du cinema-qui-remue-dans-le-bide, la nuit qui a suivi fut tout sauf ordinaire.
Il serait injuste de ne pas rendre hommage à ce film incroyable sous bien des aspects, et de ne pas le ranger à côté des films qui, en d'autres temps, surent bousculer à peu près tous les codes existants pour en imposer de nouveaux, avec audace, avec violence, et avec 25 000 $ de budget !
Les années 60 ont eu "Psychose" et " La nuit des morts-vivants", les 70 ont réinventé le genre avec "Massacre à la tronçonneuse" ou "L'exorciste" (au choix dans le menu), les années 80 nous ont surtout offert "Evil Dead"... Mais il aura fallu attendre la veille de l'an 2000 pour que les années 90 réinventent la terreur en prophétisant, peut-être sans le savoir, l'avènement programmé de la télé-réalité et en brouillant les codes de la narration, effaçant les traces déjà bien ténues qui séparent réalité et fiction comme jamais auparavant.
Et la suite me direz-vous ?
Eh bien... J'avoue avoir eu un petit pincement pour "A serbian film", mais c'est déjà vieux tout ça, je suis au courant...