Retour vers le néant

« La prima notte di quiete » (la première nuit de tranquilité, qui chez Goethe correspond à la mort) est le film le plus abouti de Zurlini dans sa démarche nihiliste. Avec « Le samouraï » de Jean-Pierre Melville, Alain Delon, taiseux comme jamais, trouve ici son meilleur rôle, celui d’un homme étranger à son pays, à sa ville, à son entourage et prisonnier à l’intérieur de lui-même par une incapacité empathique totale. Professur qui donne des dissertations en cours, pour pouvoir tranquillement lire son journal et fumer ses cigarettes. Séduit par la beauté d’une de ses étudiante (très belle sonia Petrovna) le film semble s’orienter vers un happy end. Mais la découverte finale des turpitudes des bourgeois de province desquels sa bien aimée était autrefois le plat principal (dissertation demandée en cours : « Pureté et sens du péché chez Manzoni»), coupera tout élan à cet amour impossible en le replaçant vers sa seule issue : le néant. Aidé par son directeur de la photographie Dario Di Palma, Zurlini filme une Rimini hivernale, aussi glaciale que figée dans son impersonalité grisâtre, la forme étant ainsi en adéquation parfaite avec le fond. De plus les images sont habillées par un jazz planant de Mario Nascimbene, soulignant l’aspect ligne de fuite du décorum. Certes le film par instant se perd dans cette unité, sacrifiant l’intensité du récit, mais cette remarque n’atténue en rien le fait qu’il soit un chef d’œuvre et sans doute le testament cinématographique de son auteur. A voir absolument dans sa version de 132 minutes ressortie en 2019.

10
Écrit par

Créée

le 26 avr. 2024

Critique lue 46 fois

1 j'aime

Ronny1

Écrit par

Critique lue 46 fois

1

D'autres avis sur Le Professeur

Un grand Delon à découvrir

C'est regrettable que ce film ne soit pas plus connu dans la filmographie d'Alain Delon car il livre sans doute une des plus belles prestations de sa carrière, son personnage est touchant avec son...

Par

le 5 déc. 2015

15 j'aime

9

Rien ne va plus !

(1972. FR. : Le professeur. ITA. : La prima notte di quiete. (la première nuit de tranquillité, de calme. Vu en VOST, édition DVD Pathé.) Rimini, années 1970's, le professeur de lettres...

Par

le 24 janv. 2021

14 j'aime

7

La Prima Notte di Quiete

Une grande silhouette apparaît dans la brume hivernale de Rimini. L'homme est grand, il a une cigarette à la bouche, et est enveloppé dans un manteau marron qu'il ne quittera presque jamais, une...

Par

le 29 juil. 2013

9 j'aime

Du même critique

Elle s'appelle Lucia

A la première vision « Cela s’appelle l’aurore » surprend les fans de Luis Buñuel par son académisme. Les ruelles de la ville (Bastia ?) une utilisation très contrastée du noir et blanc et une...

Par

le 4 mai 2021

5 j'aime

1

Simone Signoret et la jungle

Dans « La mort en ce jardin » les amateurs de Buñuel retrouveront le sexe et la mort, la dictature avec la compromission de l’église, mais qui furent traités avec plus de profondeur dans les...

Par

le 5 mai 2021

4 j'aime

Faites nous donc un dessein

« La toile d’araignée », adapté par John Paxton d’un roman de William Gibson, se présente au premier abord comme une étude sur le monde psychiatrique. De fait le film traite essentiellement de notre...

Par

le 27 nov. 2020

4 j'aime