Comment éviter d'être didactique lorsqu'on traite d'un principal de collège ? Vous avez trois heures. Pas sûr que la copie de Chad Chenouga obtienne une très bonne note...
Le personnage de Sabri Lahlali, principal adt d'un collège de banlieue parisienne, est un modèle de transfuge de classe. Comme souvent ceux qui ne doivent leur réussite qu'à eux-mêmes, il est intransigeant, strict, raide au point de ne pas prendre le temps de boire un café avec les enseignants. Des études sociologiques ont montré, par exemple, que, dans un jury d'assises, les plus durs avec les ouvriers sont... les ouvriers. Mais il sait aussi se montrer humain, lorsqu'il a affaire à une jeune fille lui rappelant son propre parcours.
Pour bien montrer d'où il vient, Chad Chenouga, inspiré par son histoire personnelle, lui a collé un frère malade psychiquement, volontiers violent, résidant dans l'une des ses barres devenues l'image des "quartiers". Saïd a l'accent qui convient, côtoie des dealers et se retrouve parfois en prison. Evidemment, quand son fils chéri fréquente ces mauvaises graines, Sabri voit rouge. Quant à Saïd, il exprime parfois sa hargne contre son frère qui prend des airs supérieurs (l'une des rares bonne scène, lors d'une visite à la prison) au point de corriger les fautes de français de ses proches.
Pour bien montrer où il va, Chad Chenouga lui a collé une patronne férue de littérature, Estelle, jouée par Yolande Moreau. Les deux se recommandent des livres, c'est attendrissant. Le jour où Estelle lui remet L'homme au dé, Sabri va jouer ainsi son destin.
Cette trajectoire très balisée va se voir contrariée par l'attitude de son fils Naël. Comme tout transfuge de classe, Sabri entend que sa progéniture réussisse brillamment à l'école. Il faut donc à Naël une mention au BEP, lui garantissant l'accès à un bon lycée. Alors quand le Principal découvre que son fils prend l'épreuve avec un peu trop de légèreté, il bascule du côté obscur de la force : il ouvre les grandes enveloppes contenant les sujets et les corrigés avant de mettre le corrigé de l'épreuve d'histoire sous les yeux de son fils.
Quoi ? Prendre un tel risque pour un BEP ? Ce serait le bac, à la rigueur... Et notre héros ne se dit pas que la triche risque d'être remarquée ? Peu importe le réalisme de l'intrigue, seule compte la mécanique que Chad Chenouga souhaite dérouler. Une mécanique prévisible : Sabri se fait épingler par une délégation comprenant justement le prof avec qui il était à couteaux tirés, il va s'enferrer dans le mensonge, allant jusqu'à demander à son fils de raconter des cracks pour sauver sa carrière. Ce qui marchera (de toute façon l'Inspection Académique avait déjà décidé de er l'éponge !), mais laissera des traces sur son fils. Bien sûr, notre Principal va beaucoup apprendre de cette expérience : lui le personnage étriqué se surprendra à jouer avec un petit chat. C'est vous dire.
Je n'ai pas encore mentionné le pire : Sabri est divorcé de sa femme, mais il aimerait la reconquérir. C'est assez gnangnan mais e encore. Le pompon, c'est que Noémie aussi veut recoller les morceaux ! On se demande pourquoi ils se sont séparés. D'ailleurs, un soir où Sabri frappe à sa porte, les deux se jettent l'un sur l'autre, dévorés de ion. Là, on lève franchement les yeux au ciel, implorant la miséricorde divine pour que cet objet cinématographique fort médiocre prenne fin. Ce qui nous amène à la principale qualité du film : sa durée très courte.
On ajoutera à ce cocktail sans saveur un improbable week-end thalasso d'Estelle et Sabri, s'achevant au bar de l'hôtel avec piano-bar et lumière tamisée. Une B.O. parfaitement banale, qui donne presque envie de réclamer les bidouillages électros de Naël - que Sabri découvre d'un air pénétré. Les clichés sur ce même Naël, dûment estampillé Nike, dont le rêve est d'avoir des Adidas qui coûtent un bras et de er un week-end à Marseille avec son meilleur pote. Des dialogues qui sonnent parfois faux - à moins qu'ils ne soient mal joués ?
Ce n'est pas un film, c'est une démonstration. Chaussée de gros sabots. Cette tenue est-elle permise en salle d'examen, monsieur le Principal ?
5,5