J’aime Spielberg depuis septembre 1981, mois de la sortie des Cheval de guerre). Oncle Steve vieillit bien : le poil grisonne, mais le sourire demeure mutin. Il s’attaque à la Guerre froide. La CIA confie à un talentueux avocat la défense des intérêts de Rudolf Abel, un maître espion soviétique. Il sauvera sa tête, puis ira négocier à Berlin son échange contre un pilote retenu en Russie.
La reconstitution historique est parfaite. Si les voitures sont trop neuves, vous apprécierez les intérieurs, les ampoules de flash et les détails du cockpit du U2. Vous retrouverez les codes des années 50 : le rock, les grosses bagnoles et les flirts, ceux de l’heureuse et insouciante série culte Grease à Travolta). Attention, le ton est plus sombre. Il pleut à verse. Il neige. Le réalisateur joue habilement avec les cadrages d’Orson Welles et de Carol Reed. Diplomates, militaires et espions des deux bords rivalisent de duplicité et de fanatisme. Les instituteurs préparent leurs élèves à l’apocalypse nucléaire. Les plus excités exigent la peau d’Abel, voire celle de son avocat. La CIA tient à récupérer Gary Powers (Austin Stowell) avant qu’il ne craque, tout en déplorant son manque de courage, comment a-t-il pu se laisser capturer vivant ! Il ne recevra la Silver Star qu’en 2012, à titre posthume. Le prétendu colonel Rudolf Abel est irablement joué, tout en retenue, par Mark Rylance. S’il souhaite rentrer en pays, il ne se fait aucune illusion sur la chaleur de l’accueil, il aura du mal à convaincre ses paranoïaques supérieurs de son honnêteté : « Would it help ? »
Habilement, le scénario ne dit rien de la vie d'Abel. Pourtant, William Guenrikhowitsch Fischer mériterait un biopic. Allemand, né en Angleterre, il gagne la Russie en 1920 pour être recruté par le Kominterm. Il sera espion ! Il opère, sous diverses identités en Norvège, Grande-Bretagne, , Allemagne, Turquie, Pologne dans les années 30. Il sera l’opérateur radio des Cinq de Cambridge. Il est limogé, mais sauve sa tête, lors des purges staliniennes. Après avoirs repris du service en 1941, il débarque en 1948 aux Etats-Unis pour créer son propre réseau. Il ne sera pris qu’en 1957, trahi par l'adt dont il avait demandé le rappel.
Un mot enfin sur le héros ! Tom Hanks (né en 1956) est l’anti Tom Cruse (1962). Autant le second, tel Dorian Gray, ne vieillit pas, ce qui semble augurer la supériorité de la Scientologie sur toutes autres cures de rajeunissement. Autant le visage du premier porte les stigmates des péchés de notre temps. Le juvénile et filiforme jeune homme de Forrest Gump, s’est métamorphisé en pitbull. Un Winston Churchill, en plus grand, le verre à whisky d’une main, le cigare de l’autre et le « no sport » aux lèvres. Il ne court plus, mais arpente pesamment Berlin. Il grogne, grommelle et bougonne, toujours avec talent.
Steven, les deux Tom et Fenzy sont mes amis… pour la vie !