Le pèlerinage des créatures numériques
Après l’horreur (Evil Dead) et les super-héros (Spider-Man), le réalisateur Sam Raimi s’est rangé chez Disney pour mettre en images la préquelle du célèbre « magicien d’Oz » de Victor Fleming en 1939. S’appuyant approximativement sur l’œuvre de Lyman Frank Baum, il tente de narrer l’arrivée d’un illusionniste de pacotille du Kansas, Oscar Diggs, au pays d’Oz et de son combat contre la méchante sorcière pour s’installer sur le trône royal.
Ce n’est pas tant le début du film qui est gênant. Si l’histoire patine quelque peu et s’attarde trop sur le pitch de départ, le choix du 4/3 et du noir et blanc vient rendre un bel hommage au cinéma des années 1920 et 1930 accentué par le jeu très théâtral de James Franco comme il pouvait y en avoir à cette époque.
La suite est beaucoup moins plaisante. Emporté par la tornade, le magicien arrive au pays d’Oz. Le 4/3 s’élargit en 16/9 tandis que les couleurs chatoyantes du monde d’Oz viennent tressaillir nos pupilles. Mais, é l’extase visuelle numérique, le film se réduit à une ennuyante course en avant où James Franco, en roue libre et perdu dans ses textes et des décors en fond vert dont il ne parvient pas à comprendre l’imaginaire, s’émerveille inlassablement (en découvrant le pays d’Oz, les sorcières, le singe volant, le trésor, la poupée en porcelaine etc).
Par ce choix d’une narration enfantine (l’ébahissement permanent), tout ce qui faisait la force du film de Fleming et des livres de Baum part en poussière. Le singe volant habillé en groom ou la petite fille en porcelaine n’ont aucunement la même profondeur psychologique que l’épouvantail ou le lion. Tout se résume à une plate histoire de méchante et de gentille sorcières.
L’histoire est sans saveur, oubliant d’emmener le spectateur dans un univers comme l’était celui de Baum. Six maigres personnages (le magicien, les trois sorcières, le singe et la poupée), sans épaisseur scénaristique, sont incarnés presque tous numériquement (puisque même les « acteurs en chair et en os » sont totalement perdus dans une histoire aussi décérébrée).
Voilà ce qu’est « Le monde fantastique d’Oz » : un pèlerinage, une marche en avant vers un lieu sacré, le trône royal du pays d’Oz, effectué par des créatures numériques mouvantes dans des décors numériques par un réalisateur qui n’a malheureusement plus que le numérique (signalons quand même la superbe 3D) pour faire vivre un art purement et simplement artificiel.