Un huis clôt sociétal et profondément humain. Voilà qui pourrait assez bien résumer The Sleuth.
L’histoire est à vrai dire très simple et toujours aussi d’actualité. Lorsqu’un simple métèque, un minable d’étranger vole la femme d’un aristocrate anglais, celui ci gagne logiquement le droit de venger son honneur, de faire payer à la vile créature le prix de son larcin et de l’humilier.
Car après tout, l’italien n’a pas seulement l’audace d’être né de parents étrangers, il a aussi celle de vouloir s’élever dans la société. Et pourquoi pas, en volant le bien des anglais bien né et bien pensant, celle de se prendre pour leur égal ? On aura tout vu !
L’infâme voleur, ici interprété par Michael Caine, tombe sur un mari cocu bien mauvais perdant. Car au jeu de l’amour, sa femme reste son bien et le fait qu’un homme moins bien né, moins fortuné et moins instruit que lui vienne lui dérober son bien sonne comme une injure à son honneur. Comment réparer la chose ? En faisant preuve d’une soit disant supériorité. Prouver à cet étranger qu’il ne vaut rien, lui démontrer qu’il n’a aucun droit et le rabaisser plus bas que terre; l’humilier et le terrifier sont pour lui le moyen de laver l’affront.
La première scène dans la maison sonne déjà comme un avertissement pour le spectateur. Laurence Olivier commence ainsi tranquillement mais surement un interrogatoire visant à démontrer son infériorité à son rival. Pedigree ? Pff, un père italien pauvre. profession ? Coiffeur, autant dire qu’il est ruiné lui aussi. Après tout, il n’est qu’un anglais né de l’immigration. Et encore, quelle réussite inattendue.
Mais Sir Wyke, alors que l’homme qu’il insulte garde son calme et préfère partir en relevant l’insulte, calme le jeu adroitement en appâtant le jeune coiffeur. Il n’aime plus sa femme et souhaite en être débarrassé définitivement. Un autre veut la lui prendre, qu’il le fasse, mais qu’il le fasse pour de bon. Et si les deux peuvent y trouver un gain financier…
A grand renfort d’alcool fort, l’aristocrate prépare son gibier. Il attendrit sa réflexion en l’alcoolisant, lui fait mériter une fortune aisément accessible et un amour heureux et tend gentiment son piège. Les chose sérieuses commencent.
Comme je l’ai dis plus haut, l’aristocrate se sent injurié et montrer sa supériorité intellectuelle et financière en faisant visiter sa maison à son hôte, en lui montrant ses jeux et en se montrant beau joueur n’est pas suffisant. Peu à peu, le spectateur sent quelque chose de louche et il n’a pas tout à fait tort.
Le plan de Wykes pour arnaquer son assurance est bien ficelé et ses motivations semblent « honnêtes » mais quelque chose cloche. Lorsque l’on s’apprête à proposer une telle affaire à quelqu’un, on ne l’imbibe pas d’alcool. On ne lui fait pas visiter tranquillement le domaine, extérieur ou intérieur. Soit le scénario est mauvais, soit un rebondissement est à venir.
Et en ce qui concerne les rebondissements, The Sleuth est fort bien doté. Ce qui commençait comme une rencontre tendue mais courtoise entre deux rivaux amoureux se transforme en un jeu impitoyable dans lequel chacun à ses atouts. Wykes à l’habitude du jeu, grand enfant ne sachant sans er tandis que Milo, lui, a toujours joué au jeu cruel de la vie d’un pauvre fils d’italien qui ne pardonne pas. L’un joue aux jeux les plus complexes et alambiqués, l’autre au jeu le plus impardonnable.
Ces deux personnalités opposées aux talents différents nous offrent alors un huis clôt fascinant ou chacun doit démêler le vrai du faux, faire preuve de finesse et de persévérance tout en tentant de remporter la victoire. Car si l’un joue pour humilier et prouver sa supériorité, l’autre joue comme il l’a toujours fait : pour sa vie.
Olivier comme Caine sont à la hauteur du scénario diabolique dans lequel le spectateur e son temps à chercher quel sera le prochain mouvement. Olivier, fanatique au point d’en être dément campe un homme raciste, dédaigneux et imbu de sa personne qui frôle la maladie mentale.
Caine, e quant à lui de l’homme humble, habitué aux attaques, à l’adversaire tenace et déterminé. Tout deux sont tour à tour emporté par des moments de colère, d’euphorie ou de vengeance qui se mélangent avec brio dans ce film. Chacun se montre sous son meilleur jour comme sous le pire et l’ambiance pesante du film s’en trouve enrichie. Lucidité, moment de folie, bêtise, brio, raffinement et grossièreté se croisent et les deux personnages en font preuve à tour de rôle offrant deux rôles très réussis cohabitant dans un décor grandiose dont le labyrinthe du début n’est pas sans rappeler les méandres de leur affrontement.
J’ai découvert l’existence de ce film il y a quelques années après avoir vu la bande annonce de son remake resté bien au chaud dans ma liste de film à voir. Difficile d’imaginer qu’il puisse être plus réussi, mais l’inversement des rôles de Caine sera probablement intéressant.
En tout cas, cette version de The Sleuth est un film merveilleusement bien tourné au scénario démoniaque et aux acteurs tout simplement parfait. Un classique qu’il était temps que je vois et que je conseillerai bien volontiers.