Les deux westerns majeurs que je connais évoquant la légende de Billy the Kid sont "le gaucher" d'Arthur Penn (1958) et "Pat Garett et Billy the kid" de Sam Peckimpah (1973).
Alors que Sam Peckimpah aborde le personnage de Billy the Kid comme un bandit devenu à l'âge adulte, un être, en pleine possession de ses moyens, épris de liberté et de justice (suivant ses règles), Arthur Penn reste sur l'idée d'un gosse au é perturbé, subjugué par l'éleveur qui le prend sous son aile mais qui se révolte instinctivement et irrémédiablement pour venger l'éleveur lorsqu'il sera lâchement assassiné.
Le personnage de Pat Garrett sera aussi très différent.
Chez Peckimpah, Pat Garrett a eu un é lointain d'amitié avec Billy sur des coups aventureux. Mais la peur de la vieillesse le pousse à se ranger et à devenir shérif sur demande des éleveurs et du gouverneur pour faire cesser les agissements de Billy. L'amitié vole alors en éclat. Le personnage est dur et cynique.
Chez Penn, Pat Garrett rencontre par hasard Billy et devient son ami alors qu'il a déjà commencé son œuvre de vengeance sur les assassins de l'éleveur. Il est plus âgé que Billy et adopte une attitude protectrice, on pourrait dire paternelle, sur ce gosse qu'il sent fragile et sauvage, indompté ou indomptable. Ce sera un véritable déchirement d'accepter la mission d'arrêter les agissements de Billy. Et une tragédie intime dans la scène finale qui ressemblera presque à un suicide de Billy.
Arthur Penn a confié le rôle de Billy à Paul Newman qui incarne avec brio un personnage aussi complexe et tourmenté que celui de Billy. On ne sait rien du é de Billy avant sa rencontre avec l'éleveur Tunstall sinon qu'il est comme une bête traquée et affamée. Mais le regard vide, lointain que sait prendre Paul Newman laisse apparaître soit un é douloureux et mal digéré soit un problème psychique de compréhension du monde dans lequel il vit. Il fonctionne à l'instinct. Et c'est sur la base de cet instinct et non sur la raison qu'il parvient à entraîner avec lui deux jeunes compagnons.
On peut voir le talent de Paul Newman dans la dégaine du personnage, son comportement avec les autres et ses réactions qu'on pourrait qualifier de lunatiques ou imprévisibles. Les réactions d'un enfant pas en maîtrise de sa personne.
La mise en scène est très réussie et très travaillée. On pourrait parfois penser qu'elle est un peu théâtrale, par exemple dans l'assassinat du shérif Moon. Le lancement de l'action, la nuit précédente, est assez spectaculaire car Billy excite ses deux jeunes compagnons d'infortune jusqu'au point d'orgue où ils tirent sur le reflet de la lune dans une mare (évidemment c'est plus explicite dans la VO).
L'assassinat du premier shérif Brady et Morton : Billy explique à ses acolytes comment procéder en dessinant sur la vitre embuée de la salle de bains qui donne sur la rue. Un splendide fondu enchaîné transforme le dessin en réalité…
Un point que je trouve faible et surtout inutile est la scène de séduction de Celsa par Billy. Par contre, d'un point de vue mise en scène, le fondu enchaîné qui transforme la scène en brasier du mannequin de paille de la fête est une belle métaphore de la scène torride.
Le gaucher est un western sans concession mais qui laisse apparaître l'humanité des deux personnages Billy et Pat.