Etrange objet que ce Dossier Maldoror, qui évolue toujours sur la corde raide, en équilibre très instable.
Entre la réalité la plus noire et la fiction, tout d'abord. Car Fabrice Du Welz choisit de les mêler, en imbriquant une histoire de flic qui ne dort pas la nuit avec une évocation de l'incroyable faillite judiciaire du scandale de l'affaire Marc Dutroux, drame visiblement encore très douloureux outre Quiévrain, en forme de traumatisme palpitant.
Entre un ressenti proche du documentaire, en arrière-plan, et l'uchronie ensuite, tant le réalisateur, sur la base du drame, finit par dévier de l'histoire dans une volonté de changer les choses, à l'image de son personnage principal, dans un geste qui n'est pas sans rappeler ce qui animait Once Upon a Time in... Hollywood.
Sauf que Du Welz prévient tout de suite, en convoquant une célèbre séquence de mariage, que chez lui, il s'agira d'un voyage sans retour. Un Voyage au Bout de l'Enfer.
Une telle démarche pourra sans doute en faire tiquer plus d'un, dès lors qu'au contraire de Quentin Tarantino, Fabrice Du Welz a pris le risque de bâtir son histoire au cœur de l'abîme, sans aucun pas de côté. Pour le regarder en face et droit dans les yeux pour surmonter ces sentiments d'impuissance, de révolte et d'écoeurement qui exsudent du film.
A l'image de son personnage principal, Chartier, une forte tête allergique à l'autorité, qui s'est sorti de la fange de son milieu social d'origine pour devenir gendarme. Pour défendre ses idéaux de protection et de justice. Sauf qu'il ne cesse de se fracasser contre les murs du cadre de ses fonctions, de sa hiérarchie et d'un droit qui ne fait qu'entraver la morale.Toujours avec fureur, toujours en surchauffe, comme Patrick Dewaere pouvait l'être parfois.
Comme une réminiscence la plus évidente du cinéma des années soixante-dix, dans une oeuvre qui oscille entre la plus pure tendance française, rappelant Boisset, et la vision du mal et de sa contamination chère à William Friedkin.
Chartier coulera dans cet abîme et et les ténèbres de ses obsessions, comme Emmanuelle Béart se perdait dans sa souf dans le sous-estimé Vinyan. Pour découvrir que c'est tout un système qui est rongé par ses bas instincts. Suscitant la rage de Chartier, et une certaine forme de colère de l'autre côté de l'écran. Puis la souf, quand des images fugaces des atrocités accomplies s'emparent de l'écran, quand l'enquêteur électron libre cède à son jusqu'au boutisme entêté et suicidaire.
Dans une volonté de changer les choses partagée par Fabrice du Welz, qui voudrait sans doute, à l'issue de son Dossier Maldoror, espérer qu'un tel drame ne se soit jamais produit. Ou au moins, qu'il ne se reproduise pas.
Son geste porté à l'écran divisera à coup sûr, à l'image du sentiment exprimé par notre Sergent. Le masqué, lui, est beaucoup moins sage, et a sans doute été impressionné par ses ambitions.
Behind_the_Mask, guère des polices.