Aujourd’hui, je vais vous parler du film Le Dernier des injustes, réalisé par Claude Lanzmann en 2013. C’est un documentaire que j’ai trouvé profondément marquant, à tel point que je lui ai attribué une note de 9 sur 10. Ce film m’a bouleversé, non pas par sa forme spectaculaire — car elle est sobre, parfois même austère — mais par la puissance morale de ce qu’il montre, ou plutôt de ce qu’il ose écouter.
Au cœur du film, il y a un homme : Benjamin Murmelstein, dernier doyen du Conseil juif du ghetto de Theresienstadt. Longtemps perçu comme un "collaborateur", il n’avait jamais été entendu dans un film de cette ampleur.
Ce que fait Lanzmann ici est assez exceptionnel : il choisit de donner toute la place à la parole de cet homme, sans l'interrompre, sans la juger frontalement. C’est un choix qui peut déranger, mais qui est en réalité profondément courageux. Parce qu’écouter Murmelstein, c’est affronter une parole grise, ambivalente, loin du noir et blanc habituel de la mémoire collective.
Le film alterne entre des entretiens filmés en 1975, à Rome, et des scènes contemporaines où Lanzmann revient sur les lieux historiques. Cette alternance, très simple, donne au film un rythme lent mais profond. On sent que chaque mot, chaque silence, est porteur de sens.
Il n’y a pas de musique dramatique, pas d’effets de style : seulement la parole, et le poids de l’Histoire. Et c’est justement ce minimalisme qui rend le tout si fort.
Ce qui rend Le Dernier des injustes si précieux à mes yeux, c’est qu’il ne se contente pas de rappeler des faits. Il nous interroge sur notre propre manière de regarder l’Histoire.
Comment juger des individus qui ont agi dans des circonstances extrêmes ? Peut-on — ou doit-on — les écouter sans pour autant les absoudre ? Murmelstein n’est ni un héros, ni un bourreau. C’est un homme confronté à l’impossible. Et Lanzmann nous demande de regarder cette complexité en face.
Ce film m’a profondément marqué, non parce qu’il cherche à émouvoir, mais parce qu’il oblige à penser. Il m’a mis mal à l’aise parfois — et c’est pour ça que je le trouve si réussi. Il n’impose rien, ne conclut rien. Il laisse la place au doute, à l’inconfort, à l’humain.
C’est un film que je considère comme nécessaire, parce qu’il nous rappelle que la mémoire n’est pas un bloc figé, mais une matière vivante, parfois douloureuse, toujours complexe.
Le Dernier des injustes est un documentaire exigeant, dérangeant, mais essentiel. Claude Lanzmann y montre toute sa force : celle d’un cinéaste qui ne filme pas pour acc, mais pour transmettre.
Et dans une époque où tout va vite, où l’on aime les jugements simples et les postures morales tranchées, ce film vient nous rappeler l’importance de la nuance et de l’écoute.