Accusé, à la libération de 45, par la résistance et la presse communiste de dénigrer le peuple Français, Clouzot fût radié du métier de réalisateur pour son film Le Corbeau, qui sera interdit dans la foulée. Heureusement, l'interdiction ne dura que deux ans. Mais il témoigne bien de l'état d'esprit qui régnait à l'époque, où se mêlaient suspicions, paranoïa et dénonciations. Car tiré d'un fait divers réel qui se déroula à Tulle de 1917 à 1922, Le Corbeau raconte les lettres anonymes reçus par le petit village de province de Saint-Robin qui vont, petit à petit, faire régner la zizanie parmi tous les habitants.
Clouzot met en scène une bonne dizaine de personnages dans ce policier qui se la joue Agatha Christie. Tout le monde a quelque chose à cacher : infidélités, magouilles, mensonges, Le Corbeau met tout à plat et sème la tempête. Et c'est une des faiblesses du film, à trop vite connaître l'enjeu dramatique principal on en attend de nouveaux. Or le rythme est monotone, peine à nous accrocher, et c'est tellement linéaire que rien ne vient relancer l'intrigue. Les bons dialogues ne sauvent pas tout, car même très bien écrit Le Corbeau se répète, dans ses intrigues notamment, où l'impression de revoir les mêmes scènes se fait sentir, dans le comportement de ses personnages aussi, chacun reproduisant des schémas émotionnels identiques.
La révélation finale, relativement surprenante, manque de maîtrise et s'oublie aussitôt. En définitive c'est un peu trop répétitif pour nous intriguer et pas assez surprenant pour nous accrocher. Tous les scandales et les histoires qui ont tourné autour du film semblent avoir perdu de leur vigueur aujourd'hui, le caractère blasphématoire de certains comportements n'attirent plus l'attention, en ce sens l’œuvre de Clouzot peut donner l'impression d'avoir vieilli. A chacun de juger.