Avant le giallo, le krimi. Avant l’Italie, l’Allemagne. Et entre l’Allemagne et l’Italie, un crochet par l’Angleterre. C’est un peu le contexte dans lequel est né ce Cirque de la peur alors que l’Allemagne croulait sous les krimi. Le krimi, c’était quoi ? Des adaptations du romancier Edgard Wallace aux allures de thrillers (des récits "criminels") à la Agatha Christie avec whodunit et, parfois, quelques élans de violence (telle que celle-ci pouvait s’entendre dans les années 1950-1960). Intéressé par le genre, le producteur anglais Alan Towers qui, progressivement, se spécialisera dans les films d’exploitation, achète les droits d’une nouvelle que les producteurs allemands n’avaient pas encore acquis. Il écrit le scénario, s’adt les services de John Llewellyn Moxey qui a déjà adapté Edgard Wallace pour la télévision, met en place une coproduction avec l’Allemagne et réunit une distribution éclatante. Côté britannique, le grand Christopher Lee apporte une caution fantastique (ce que le film n’est pas) et Leo Glenn une dimension prestigieuse, tandis que Margaret Lee et Suzy Kendall sont clairement l’atout charme. Côté allemand, Klaus Kinski, habitué des krimi, est de la partie au même titre que Heinz Drache. Le scénario expurge bon nombre d’éléments de l’histoire initiale et s’appuie sur plusieurs points majeurs. D’abord, un braquage, au petit matin, sur un Tower Bridge désert ; des règlements de comptes entre truands ; ensuite, le dépôt du butin dans un cirque où semble séjourner le cerveau du casse ; enfin, les mises à mort de plusieurs personnages de la troupe dont la vie n’est pas exempte de zones d’ombre. Voilà pour le tableau. Certains le trouvent confus. Ce n’est pas le cas à la vision du film.
Reprenant les codes du krimi, le film suit l’enquête d’un inspecteur qui tente de mettre à jour le véritable visage de chacun dans cette drôle de ménagerie. Fausses pistes et révélations sont les arguments principaux du récit agrémenté d’éléments annonceurs du giallo, à savoir des meurtres à l’arme blanche commis par un tueur aux mains gantées de noir et qu’on se retrouve parfois à incarner en caméra subjective. Côté frissons, rien à craindre. On est encore très loin de la violence des giallos et de son ton subversif mais on apprécie des couleurs chatoyantes que n’auraient pas dénigré certains maîtres italiens du genre. Cependant la réalisation n’a rien de nerveuse, bien au contraire, elle s’inscrit dans une enquête pépère qui pourra déplaire aux amateurs de sensations fortes. Tout cela est pourtant soigneusement ficelé avec des personnages mystérieux et, majoritairement, vraiment intéressants autour d’une intrigue, certes prétexte, mais qui se suit avec un certain intérêt.
L’œuvre donne un sentiment de maladresse mais, replacée dans son contexte, elle fait un lien vraiment intéressant entre le krimi des années 60 et le giallo des années 70. Le microcosme du cirque est croqué avec pertinence et le mélange de différents tons (on oscille entre la gravité, l’effroi et l’humour) e plutôt bien. Pas un film important, loin de là, mais un film intéressant dans ce qu’il raconte sur le développement du cinéma européen à cette époque. À savoir, une illustration d’une identité culturelle qui lui est propre.
À noter la sublime édition réalisée par le toujours "Chat qui fume" avec une copie d'une splendeur renversante.