Le Château de Cagliostro est le premier long métrage d’animation de Miyazaki. Lorsque l’on découvre cette œuvre après avoir vu ses films les plus récents, on peut être dérouté. On ne retrouve pas l’univers fantastique si caractéristique du réalisateur. Et pourtant, si on est familier de son univers, on finit vite par reconnaître qu’on se trouve bien chez lui.
Le Château de Cagliostro mêle divers univers : celui du cambriolage, du trafic de fausse monnaie et de princesse à sauver. De tout cela, il ressort une œuvre unique. L’histoire met en scène Arsène Lupin III, un personnage populaire de manga. Il a une personnalité bien caractérisée : désinvolte, imperturbable quelle que soit la situation, charmeur, audacieux et au cœur généreux. Il est entourée d’une flopée de personnages hauts en couleurs et qui ont chacun leur place, depuis Jigen et Goemon, fidèles associés de notre gentleman cambrioleur, jusqu’à l’inspecteur Gaston Lacogne en ant par le vilain Comte de Cagliostro et Clarisse, la douce princesse.
Les péripéties s’enchaînent à un rythme endiablé. La course poursuite qui arrive dès le début de l’histoire donne très vite le ton de l’œuvre. Mais Le Château de Cagliostro est aussi emprunt de douceur et d’une jolie romance entre le gentleman cambrioleur et la princesse. L’humour est également présent ce qui donne un résultat riche de nombreuses facettes.
La caractéristique de cette œuvre est de se situer dans un pays d’Europe fictif. Et on reconnaît là la marque de Miyazaki qui ire la culture européenne. Cette fascination transparaît tout le long du film. Le fameux château, par exemple, rappelle les châteaux français (de type Renaissance ou féodal) avec quelques touches gothiques allemandes. Les paysages, les villes de Cagliostro évoquent les villages suisses et italiens. L’intrigue elle-même, qui est nouée autour de la fausse monnaie, rappelle les intrigues d’espionnage européens et l’histoire réelle de l’affaire de la fausse monnaie nazie. Et bien sûr le personnage de Lupin III, petit fils d’Arsène Lupin nous renvoie à au romancier français Maurice Leblanc.
Le Château de Cagliostro reflète donc un monde européen fantasmé, tout droit sorti de l’imagination débordante de Miyazaki. Il agrémente cet univers de ses ions d’enfant, en particulier avec la présence des avions envers lesquels il voue une véritable ion depuis son enfance. Pour les représenter, il aime à s’inspirer des avions européens des années 30. Cette ion s’exprimera de façon plus marquée dans ses œuvres ultérieures (Porco Rosso ; Le Vent se lève), mais déjà ici, les avions sont bien présents et ont une véritable personnalité. Il suffit de voir apparaître dans Le Château de Cagliostro l’un de ces dessins pour se sentir plongé dans l’univers de Miyazaki.
Autre point essentiel, la musique. Elle a été choisie et composée avec soin : tantôt psychédélique, jazzy, entraînante, rythmée, tantôt douce et mélodique suivant les séquences qu’elle accompagne. Elle fait partie intégrante de l’histoire et sonne toujours juste.
Le Château de Cagliostro fut un échec, le public n’était pas prêt à accueillir cette proposition pour diverses raisons. En particulier, les japonais connaissaient déjà le personnage de Lupin III. C’était un personnage dur et cynique alors que Miyazaki en a fait un personnage romantique et protecteur. Le public est également dérouté par les décors riches et précis qui aujourd’hui nous enchantent. Et pour aggraver les choses, la promotion du film fut quasi inexistante. Résultat de cet ensemble, Miyazaki dû retourner dans le monde de la télévision mais l’expérience renforça en lui la conviction qu’il lui fallait trouver son indépendance financière pour réaliser les œuvres qu’il souhaitait faire et créer ses propres mondes et personnages :
J’étais frustré. J’ai compris que je ne pouvais pas faire ce que je voulais dans des projets comme Lupin. Je devais créer mes propres histoires.
L’avenir lui donnera raison.