Le Château dans le ciel
7.9
Le Château dans le ciel

Long-métrage d'animation de Hayao Miyazaki (1986)

Itinéraire de délestage

Le troisième long métrage de Miyazaki, découvert sur le tard en grâce au succès de ses chefs d’œuvres à l’aube des années 2000, a dû surprendre les nouveaux amateurs. A priori bien plus occidental, il est résolument marqué par les influences de la littérature d’aventure.
Dès le générique, dans une imagerie sépia de gravures, c’est Swift et Verne qui sont convoqués, tandis que l’île volante renvoie explicitement à la Tour de Babel de Brueghel.
Ambitieux, le récit s’articule autour d’une séquence d’origine jouant habilement du mystère : muette et sibylline quant au rôle de chacun, elle est entièrement inféodée à la démonstration de virtuosité qui fera toute la dynamique du film : le mouvement. Montage alterné entre plusieurs groupes de personnes, fuite et coups de feu, portes qui explosent : le programme est lancé.


Le décor terrestre, européen en diable, semble être calqué sur Quelle était verte ma vallée de Ford, et joue de la complémentarité chère au maitre japonais : le parcours initiatique de Pazu se fera des entrailles minérales de la terre à l’apesanteur utopique de Laputa, par l’entremise d’un cristal, objet magique, féminin et unique qui permet le voyage.


L’ascension se fait donc sous l’égide de la grande aventure, et mêle avec habileté des influences diverses sans se départir d’une tonalité propre : la piraterie de L’île au trésor de Stevenson, les robots géants du Roi et l’oiseau, les courses poursuites et la réversibilité des méchants, prochaine famille d’adoption des protagonistes déracinés.


C’est peut-être là l’unique reproche à faire au film : rivé à cette intrigue d’une trajectoire unique vers les hautes sphères, il peine à échapper à certains clichés, notamment dans le rôle de l’opposant se limitant à un rire machiavélique accompagnant son ambition de conquérir le monde.


Pesanteur cependant rapidement balayée par l’essence même du film, cette grâce absolue qu’on retrouvera notamment dans Voyage de Chihiro : l’envol. Au-delà de l’inventivité aéronautique chère au dessinateur, Le Château dans le Ciel est l’occasion d’un ballet grandiose, de splendides prises de vues aériennes s’affranchissant des contraintes cardinales. Qu’on pense au double niveau entre le vaisseau mère et la nacelle ou au décollage final de l’île, tout concourt au délestage. Vers l’évanescence et la légèreté, à rebours des lourdes ambitions industrielles de l’homme, reste l’essentiel : un arbre géant s’élevant vers le ciel, et l’amour naissant de deux êtres ayant découvert le poids infime des valeurs profondes.


(8,5/10)

8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Vus en 2015

Créée

le 31 mai 2015

Critique lue 2K fois

97 j'aime

3 commentaires

Sergent_Pepper

Écrit par

Critique lue 2K fois

97
3

D'autres avis sur Le Château dans le ciel

Boule de Swift

Après avoir bouffé sa dose de vache enragée, Miyazaki connait avec Nausicaä un succès retentissant tant en version papier que dans son adaptation au cinéma. A une époque qui privilégie télévision et...

Par

le 6 nov. 2012

158 j'aime

20

Laputa.

Décidant d'établir un semblant de culture cinéma chez une naine que je connais - à grands coups de Rabbi Jacob, de Cirque et de quelques Burton, Tim pour commencer, on verra pour jack plus tard - je...

le 18 mai 2013

109 j'aime

22

Itinéraire de délestage

Le troisième long métrage de Miyazaki, découvert sur le tard en grâce au succès de ses chefs d’œuvres à l’aube des années 2000, a dû surprendre les nouveaux amateurs. A priori bien plus...

le 31 mai 2015

97 j'aime

3

Du même critique

Les arcanes du blockbuster, chapitre 12.

Cantine d’EuropaCorp, dans la file le long du buffet à volonté. Et donc, il prend sa bagnole, se venge et les descend tous. - D’accord, Luc. Je lance la production. On a de toute façon l’accord de...

le 6 déc. 2014

779 j'aime

107

To leave and try in L.A.

Il y a là un savoureux paradoxe : le film le plus attendu de l’année, pierre angulaire de la production 2019 et climax du dernier Festival de Cannes, est un chant nostalgique d’une singulière...

le 14 août 2019

727 j'aime

55

Her

Vestiges de l’amour

La lumière qui baigne la majorité des plans de Her est rassurante. Les intérieurs sont clairs, les dégagements spacieux. Les écrans vastes et discrets, intégrés dans un mobilier pastel. Plus de...

le 30 mars 2014

627 j'aime

53