Le Bourreau par Alligator

Aïe ! Petit accident à l'opéra Berlioz du Corum (Montpellier). J'étais tout heureux de finir le festival Cinémed 2014 par la découverte d'un cinéaste. En effet, je connais mal le cinéma espagnol. La perspective de découvrir Luis García Berlanga dans un film co-signé du génial Rafael Azcona, avec la présence au casting de José Isbert que j'ai beaucoup aimé dans "El cochecito" et avec l'étonnante participation de Nino Manfredi (pas si surprenante puisqu'il s'agit d'une co-production hispano-italienne), cette séance était une promesse d'acidité, de provocation, d'humour caustique. On eut droit à une copie restaurée non censurée, photographiée par Tonino Delli Colli... Hum, ça allait forcément me plaire. J'avançai les bras ouverts.

Or, je n'ai pas été conquis, du tout. Là où j'attendais du peps, du mordant, je n'ai vu qu'une gentille et très prudente effronterie. Elle consiste essentiellement à montrer un type devenu "bourreau officiel" malgré lui pour garder un appartement de fonction confortable, et qui fait tout son possible pour ne pas avoir à faire la sale besogne de tuer un criminel au nom de la Justice de son pays.

On assiste à une très longue présentation de cette situation absurde jusqu'au climax évident, mais drôle, qui nous montre un condamné aller dignement et calmement vers la mort alors que son bourreau est amené de force, tiré, poussé, retenu, qui crie, qui vomit, qui pleure.

Nino Manfredi est très bien. Étrangement lors de ce Cinémed 2014, j'ai vu trois films, deux italiens, un espagnol mais tous avec Manfredi. Hasard total qui me permet de parfaire ma piètre connaissance jusque là du comédien. Heureuse Providence ! J'aime de plus en plus la personnalité du bonhomme que j'ai cru percevoir dans les trois rôles. Ici, il est plus dans un comique d'urgence, effrayé par l'idée d'avoir à tuer un homme. C'est donc un jeu à la fois drôle et touchant.

La situation dans laquelle il est plongé est ubuesque. Je suppose que c'est là l'outrecuidance que le pouvoir franquiste n'a pas permis à Berlanga d'exposer, censuré. Aujourd'hui, cette démonstration de réticence paraît presque innocente. On mesure alors le gouffre qui nous sépare de l'époque franquiste, si besoin s'en faisait sentir.
5
Écrit par

Créée

le 10 nov. 2014

Critique lue 500 fois

2 j'aime

1 commentaire

Alligator

Écrit par

Critique lue 500 fois

2
1

D'autres avis sur Le Bourreau

Le bourreau (1965)

Il s'agit d'un film en noir et blanc d'une durée d'une heure et demi, à peine. L'histoire se déroule dans l'Espagne Franquiste, à Madrid puis à Majorque. Le film démarre dans une prison ou une peine...

Par

le 5 avr. 2016

8 j'aime

1

la fabrique du tueur en série

Le jeune Nino Manfredi joue, dans ce film de Luis Garcia Berlanga, le rôle d'un timide croque-mort qui, de fil en aiguilles de modestes compromissions, aboutit à assumer une fonction qui le révulse...

le 20 janv. 2019

7 j'aime

3

Critique de Le Bourreau par JimAriz

Le Bourreau est une comédie grinçante et franchement hilarante d'un ex patron du cinéma espagnol : Luis Garcia Berlanga. José Luis a en horreur une chose : le métier de bourreau. Pas de chance pour...

Par

le 20 avr. 2014

4 j'aime

Du même critique

Critique de Cuisine et Dépendances par Alligator

Pendant très longtemps, j'ai débordé d'enthousiasme pour ce film. J'ai toujours beaucoup d'estime pour lui. Mais je crois savoir ce qui m'a tellement plu jadis et qui, aujourd'hui, paraît un peu plus...

Par

le 22 juin 2015

56 j'aime

3

Critique de The Handmaid's Tale : La Servante écarlate par Alligator

Très excité par le sujet et intrigué par le succès aux Emmy Awards, j’avais hâte de découvrir cette série. Malheureusement, je suis très déçu par la mise en scène et par la scénarisation. Assez...

Par

le 22 nov. 2017

55 j'aime

16

Critique de Sharp Objects par Alligator

En règle générale, les œuvres se nourrissant ou bâtissant toute leur démonstration sur le pathos, l’enlisement, la plainte gémissante des protagonistes me les brisent menues. Il faut un sacré talent...

Par

le 4 sept. 2018

53 j'aime