" Là ou il y avait des trous pleins d'ordures, ils ont construits des grandes bites en ciment ", ainsi se termine "La ville bidon" sur la voix désabusée d'un gardien d'immeubles joué par Roland Dubillard. Plus que son scénario, une critique de l'urbanisme des villes nouvelles dans la banlieue parisienne, dont il stigmatise l'affairisme et l'idéalisme hypocrite, tout en soulignant la violence du démantèlement des bidonvilles et l'absurdité de vie dans les grands ensembles, ce film est un document rare sur la banlieue du début des 70. Images de décharges, de terrains en friches (on n'est pas très loin du terrain vague du "Serie noire" de Corneau). Créteil, St Maur des fossés, zones "sauvages" en voie de cruelle domestication. Ce qui est frappant également c'est de constater à quel point le cinéma français prenait des risques à l'époque. Planter sa caméra au milieu de la boue et de la suie des feux de pneus ne semblait pas faire peur, seul le message sociétal comptait, au diable les entrées en salle. On y voit la fine fleur des jeunes acteurs de l'époque mettre les mains dans la saleté et se rouler dans la fange des décharges. Daniel Duval faire du "capot-glisse" au milieu des herbes folles au risque de se briser le cou, Bernadette Lafont au milieu des roulottes, une micro apparition de Nicole Garcia dans un bistrot, sans compter les chansons de Claude Nougaro qui parsèment le film. On imagine ce que devait être un tournage comme celui là à l'époque, des rencontres, des improvisations, des nuits à refaire le monde. Certes il faut faire fi du montage à la va-comme- je-te- pousse, du décalage de jeu entre acteurs pros et non acteurs et ne conserver que le plaisir d'emplir sa rétine d'images d'un monde englouti.