Histoire d'errance

Il y a des gens à qui rien ne réussit. Ni le boulot, pompeux, ni la vie familiale, éclatée, presque évaporée. Ces gens ont désormais un interlocuteur de choix dans le cinéma français : M. Sim, quinquagénaire en pleine crise existentielle, dépressif de son état, occupé à faire le tour de la pour vendre des brosses à dents prétendument révolutionnaires, dont tout le monde évidemment se fiche éperdument. Une odyssée qui sera surtout l’occasion pour le vieux Sim de se perdre dans une longue errance, seulement accompagné par le GPS de sa toute fraîche 3008, dont l’habitacle semble renfermer une sorte d’abandon progressif à qui la folie prête occasionnellement ses traits.


Aigre-doux. Rarement la qualification aura été si judicieuse. Aigre en raison du psychisme malade de Sim. Doux parce que ses pérégrinations le rendent d’autant plus attachant qu’elles prêtent souvent à sourire, avec un effet de décalage permanent quand on sait le monde obsédé par la performance qui nous entoure. Parce que ça, Sim, ça semble le déer complètement. Il s’amuse à faire dix fois le tour du même rond-point, il discute volontiers avec son GPS, qu’il baptise même, il se perd parfois dans une interminable litanie de paroles creuses, propres à tuer d’ennui son voisin direct lors d’un vol aérien.


Le plaisir, voilà sans doute ce à quoi aspire Sim. Et pourtant, il ne rencontre sur sa route que l’échec, la déception, les pensées sombres, autant de choses qu’il cherche à combattre, au quotidien, par une forme de bonhomie que l’on devine feinte, et parfois désarmante. Pendant que ses supérieurs l’enjoignent à se presser, il donne le change et l’illusion de peaufiner son travail, de s’y dévouer, dans un mensonge qui ressemble beaucoup à ceux d’un navigateur dont il dévore le récit page après page.


On pourrait se plaindre de certaines longueurs, du caractère inégal de l’œuvre, d’une narration qui finit par se mordre la queue, mais n’est-ce pas finalement anecdotique ? N’y a-t-il pas là de quoi assouvir nos attentes, et surtout nous divertir intelligemment ? Surtout, peut-on bouder la performance d’un comédien si juste et investi ?

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le 30 avr. 2016

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Kubritch

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