Le jour où j'ai acheté ce DVD, la libraire du bled où il a été tourné en partie m'a annoncé qu'une fois de plus, Moullet avait été interné.
Cela remonte à quelques années. Moullet aujourd'hui n'a plus d'âge. Je le suis depuis un bout de temps. Son docu, je l'avais vu à plusieurs reprises avant de dénicher le DVD précité, vendu au rabais.
J'y ai vu des gens que je connais, d'autres que je connais de vue, d'autres encore qu'il m'arrive de côtoyer. Cette ville a gardé la mémoire des meurtres affreux dont il est question dans le docu de Moullet. C'est une ville de fous, une sorte d'HP à ciel ouvert perdu dans un département immense et dépeuplé où dans certains périmètres on vit encore comme il y a 60 ans, où la consanguinité n'est pas un tabou même si heureusement elle s'éloigne des habitudes, où il demeure pas mal de gens qui ne savent ni lire ni écrire et qui vivent dans une forme de repli, pour ne pas dire d'ermitage.
Moullet situe Digne comme l'épicentre de cette terre de la folie. En raison sans doute de l'HP qui y est implanté. Voilà pour le décor.
Les faits, Moullet les a enquêtés à sa façon et nous en offre sa vision subjective ; alternative, pavée d'incohérences, de bizarreries jamais calculées. C'est une transcription délirante de crimes associés à des pathologies mentales. Cela fait de Terre de la folie plus un film qu'un docu.
On a parlé à l'époque de voyeurisme, on a fustigé l'outrance du propos dans les médias parisiens accoutumés à la mesure, abonnés au politiquement correct. On a critiqué l'intervention d'une personne bien connue à Digne, filmée peut-être malgré elle ont prétendu certains, qui ne jouit pas de tout son discernement. On a raconté beaucoup de bêtises. ,
Il faut connaître le cinéma de Moullet pour voir dans ce long-métrage ce qu'il y propose, et pas autre chose : son regard à lui sur des faits-divers horribles, point.
La chute, saluée par ailleurs, ne m'a pas spécialement convaincu. Il fallait trouver une conclusion au film, je la trouve à l'arrache et c'est dans les manières du bonhomme. Il lui a fallu quand même gravir près de 2000 mètres d'un sommet accessible par une piste défoncée pour la décliner. C'est dans les manières du bonhomme, aussi.
Revu ces jours-ci, je trouve que Terre de la folie a pris de la bouteille, pas dans le sens voulu, qui serait celui de l'archive. C'est peut-être le sommet de l’œuvre de Moullet mais ce n'en est pas la somme.