La Porte du diable
7.4
La Porte du diable

Film de Anthony Mann (1950)

Apologie du maquillage

Peu familier de l'univers des westerns dits classiques, j'ai décidé de démarrer dans le genre avec un Mann du coffret des éditions Wildside «Le western sauvage», vraiment magnifique, à l'image des autres «classics confidential» qui sont soignés en plus d'être très intéressants en termes de contenu (le livret est bien sympa). Sans avoir été complètement conquis par La porte du diable, quelques points m'ont quelque peu embêté, j'ai é un excellent moment, à la fois conquis par les prouesses graphiques de Mann et par un script qui réussit à laisser de côté tout manichéisme primaire, en exposant le point de vue de ces deux camps qui se sont longtemps affrontés, les citoyens américains déclarés pure souche d'un côté, et les indiens de l'autre, habitants originels d'une terre promise qu'ils se voient réclamer par leurs "Némésis" ""civilisés"".

« La porte du diable » est ionnant dans sa façon de traiter de ses premières querelles et expose les difficultés de cohabitation entre les deux cultures de très belle façon. Mann y décrit le parcours d'un soldat indien qui vient de er 3 ans à se battre à côté de ses frères américains et découvre, en rentrant au pays, un espace en pleine mutation dans lequel il n'est plus le bienvenu ... c'est même tout le contraire. Le cinéaste prend son temps pour marquer cette évolution, de la première scène où quelques tensions se font sentir malgré des retrouvailles amicales jusqu'à un affrontement final des plus meurtriers, en ant par une querelle d'honneur dans un bar, la violence monte crescendo et de façon plutôt réaliste. Un cheminement certes très classique mais qui n'en demeure pas moins efficace.

Dommage par contre que les acteurs ne soient pas plus investis dans leurs rôles respectifs, à commencer par Robert Taylor qui a bien du mal à inspirer une quelconque crédibilité en tant qu'indien qu'il n'est pas. C'est d'autant plus dommage que son personnage, omniprésent dans le film, est censé représenter le symbole d'une Amérique multiculturelle en devenir. Le fait qu'il soit déjà un bon américain pure souche trahit le film, quand il rencontre son père indien au début du film, c'est presque un choc tant on a du mal à y croire. Il faut donc faire l'ime sur ce casting improbable si on veut profiter toute de même d'un film qui a pour lui de bien belles qualités.

Mann y déverse en effet tout son savoir-faire, joue les virtuoses de la pellicule en accouchant d'une photographie très subtile, magistralement accentuée par des jeux d'ombres et de lumières servant des noirs et blancs particulièrement contrastés. L'oeil est sans cesse flatté, le film est très beau, rien que pour cette prouesse visuelle, il vaut le détour. Mais également pour beaucoup d'autres raisons qu'on pourrait énumérer mais qu'il vaut mieux découvrir par soi-même. Entre une réflexion à propos de la loi et l'homme qui les forge, une romance impossible traitée avec subtilité et une dénonciation du côté manipulateur de la nature humaine, la porte du diable est d'une richesse thématique remarquable, ce qui en fait un film ionnant.

Une porte d'entrée hospitalière donc, qui invite à poursuivre le voyage, de quoi pardonner à Mann ce choix de casting plutôt troublant mais qui est certainement symptomatique d'une époque où la cause indienne était rarement défendue - il me semble même que cette porte du diable est l'un des premiers films à l'avoir défendue.
7
Écrit par
oso

Créée

le 19 mars 2015

Critique lue 674 fois

11 j'aime

oso

Écrit par

oso

Critique lue 674 fois

11

D'autres avis sur La Porte du diable

Vallée de piques

Encore un western qui s'arroge le titre de premier film pro-indiens de l'histoire, ça commence à être usant à la longue. En tout cas, ce qui est sûr, c'est qu'il s'agit du premier western d'Anthony...

Par

le 5 juil. 2012

21 j'aime

7

Apologie du maquillage

Peu familier de l'univers des westerns dits classiques, j'ai décidé de démarrer dans le genre avec un Mann du coffret des éditions Wildside «Le western sauvage», vraiment magnifique, à l'image des...

Par

oso

le 19 mars 2015

11 j'aime

Critique de La Porte du diable par Teklow13

Il est intéressant et amusant de noter que La porte du diable fût réalisé la même année que la flèche brisée de Delmer Daves. Soit les quasi 2 premiers westerns pro-indiens du cinéma américain. Mais...

Par

le 6 juil. 2012

10 j'aime

2

Du même critique

Le prix du temps

J’avais pourtant envie de la caresser dans le sens du poil cette mule prometteuse, dernier destrier en date du blondinet virtuose de la gâchette qui a su, au fil de sa carrière, prouver qu’il était...

Par

oso

le 26 janv. 2019

83 j'aime

4

RENDEZ-MOI NATASHA !

Tour à tour hypnotique et laborieux, Under the skin est un film qui exige de son spectateur un abandon total, un laisser-aller à l’expérience qui implique de ne pas perdre son temps à chercher...

Par

oso

le 7 déc. 2014

74 j'aime

17

Un coeur de tigre pour une âme vagabonde

Exploiter l’adversité que réserve dame nature aux intrépides aventuriers pensant amadouer le sol de contrées qui leur sont inhospitalières, pour construire l’attachement réciproque qui se construit...

Par

oso

le 14 déc. 2014

58 j'aime

8