La beauté de la photographie, dans ses teintes noir et blanc comme dans ses cadres soigneusement composés, n'a d'égal que la verbosité de l'ensemble qui ploie sous le poids des dialogues pesamment littéraux et mou. La curiosité de découvrir un quartier (éponyme) de Sète pousse naturellement vers la découverte de ce premier film, réalisé par la débutante Agnès Varda, et chose franchement incroyable, on ne peut que constater le puissant avant-gardisme qui l'anime vis-à-vis de la Nouvelle Vague à venir. On n'est qu'en 1955 et franchement on se croirait dans ce registre au milieu des années 60.
C'est un peu chiant à la longue, il faut l'avouer, mais beaucoup de petits plaisirs rythment cette déambulation dans le sud. Quel moment improbable, quand on découvre enfin le visage de cet acteur filmé de dos avec malice pendant un long moment : c'est Philippe Noiret, avec une coupe moyenâgeuse totalement improbable, accompagné de Silvia Monfort (qu'on retrouvera aux côtés de Gabin 2 ans plus tard dans "Le Cas du docteur Laurent"), formant un couple accessoirement fil rouge d'une partie fictionnelle de l'intrigue au gré de leur séparation et de leur réunion. En toile de fond documentaire, le quotidien des pêcheurs du coin.
Varda a composé son film avec un soin évident et éloquent, des compositions saillantes qui accrochent le regard — je pense notamment à ce regard de portraitiste lorsqu'elle fait se superposer les visages de Monfort et Noiret comme une évocation de Bergman et "Le Silence". Une facture plastique assez surprenante, mais pas si étonnante du point de vue de son attrait pour le collage, en un sens. Une post-synchronisation sauvage vient en revanche alourdir le tout, donnant aux dialogues verbeux encore plus de lourdeur et de mollesse, sur fond de musique légèrement dissonante. Ce minimalisme-là ne me parle pas du tout, et la maladresse des débuts à ses limites.