Les films de Bruno Podalydès ont toujours été de petites bulles rafraichissantes, souvent inoffensives mais toujours charmantes. La Petite Vadrouille n’échappe pas à la règle et le premier adjectif qui me vient à l’esprit est « mignon ».
Bruno Podalydès, c’est un peu un Jacques Tati moderne. Bien loin des comédies grasses qui font rire certains à gorge déployée – et pleurer d’autres, plus cinéphiles –, les longs métrages du réalisateur sont à apprécier comme de petits bonbons qui font gentiment sourire le spectateur par quelques situations cocasses. Parmi ses dernières comédies, toutes ne sont pas réussies. Mon cœur aura toujours une préférence pour le premier film du cinéaste que j’ai découvert, Le Mystère de la chambre jaune. Ses dernières sorties, Wahou ! en 2023, et Les 2 Alfred, juste après le confinement, m’avaient moins marqué : je les avais trouvés un peu en dessous.
Avec La Petite Vadrouille – titre comme un clin d’œil à la Grande, le film de Gérard Oury – Bruno Podalydès retrouve des thématiques qui lui sont chères, notamment le bateau et l’envie de prendre le large, de lever les amarres. L’un de ses premiers films, Liberté-Oléron, explorait déjà ce sujet avec Jacques, père de famille approchant la quarantaine, qui cassait la tirelire sur un coup de tête pour s’acheter un voilier et rallier l’île d’Aix malgré son incompétence de matière de navigation. 15 ans plus tard, dans Comme un avion, c’était les canaux du Sud de la que le réalisateur explorait, cette fois-ci en kayak. A chaque fois, on retrouve cette volonté de fuir son quotidien, de renouer avec l’eau et la nature.
Le projet a longuement muri dans son esprit : l’idée du film remonte à 2003, lorsque Bruno a commencé à faire de petites croisières fluviales en famille. Le réalisateur explique : « Petit à petit, j’ai découvert une multitude de canaux - il est extrêmement facile de circuler en bateau du sud de la jusqu’en Allemagne, et même au-delà, tant le réseau de ces canaux est riche. Mais il faut un rapport au temps apaisé pour ce genre de voyage. Je rêvais d’une histoire qui puisse se dérouler dans ce rythme et ce cadre. »
Pour ce cru 2024, la petite croisière est organisée par Justine, son mari Albin, et leur bande d’amis. L'idée est de satisfaire la demande de Franck, riche patron de Justine, qui cherche à séduire une femme. 14 000€ pour un week end de rêve, et comme dit Albin en homme pragmatique : « l’important, c’est de s’en garder au moins la moitié ». La joyeuse bande monte alors une combine pour organiser une fausse croisière, à moindre coût. Le week end arrive rapidement, et Justine découvre que c’est elle que Franck cherche à séduire par cette petite escapade. S’en suit une série de quiproquos très vaudevillesques et assez savoureux, qui rendent bien sûr jaloux le mari Albin. Comme il fallait s'y attendre, la croisière romantique tourne au fiasco.
Comme pour chacun de ses films, Bruno s’entoure de ses comédiens fétiches. Bien sûr son frère Denis, avec qui il coécrit parfois ses films (ici ce n’est pas le cas) et qui interprète Albin. Sandrine Kiberlain, déjà à l’affiche de Comme un Avion et des 2 Alfred, incarne brillamment Justine, tandis que Bruno s’adjuge le rôle du stoïque capitaine de navire, Jocelyn. Les amis du Justine et Albin sont également des habitués du cinéma de Podalydès : Florence Muller, Isabelle Candelier, Jean-Noël Brouté. Pour jouer Franck, l’élément perturbateur, le gros client, le dindon de la farce, le cinéaste fait en revanche appel à un nouveau venu dans son univers : Daniel Auteuil.
Des dires du réalisateur, « Daniel apporte beaucoup de finesse à son personnage, quelque chose de fondamentalement sympathique qui nous sort du risque de se retrouver face à un gros dragueur piégeur blasé et suffisant ». Et c’est très juste : à l’ère du #MeeToo généralisé, et d’une forme de féminisme prenant parfois des airs de chasse aux sorcières, les thématiques abordées étaient périlleuses.
La faiblesse de La Petite Vadrouille est sans doute son scénario, qui semble s’étirer au fil des biefs (cette portion de canal entre deux écluses) et des arrêts pour faire dépenser le client. Mais par certains aspects, c’est cet étirement qui donne au film son côté si mignon de déambulation, de flânerie agréable et de balade nautique ne déant jamais les 5 nœuds, 9km/h.