Le résumé en quelques mots : on suit le parcours de Robbie, un jeune voyou de la banlieue de Glasgow, qui vient de sortir d'un centre de rééducation après avicommis une agression gratuite et ultra violente. Il souhaiterait sortir du cycle de la violence (notamment car il veut s'investir dans une paternité nouvelle), mais ce n'est pas chose aisée entre ses cicatrices au visage qui lui ferment des portes pour un emploi "normal", et ses rivalités de quartier qui menacent à chaque instant de déboucher sur des confrontations physiques. Obligé de participer à des TIG, Robbie se découvre par hasard un talent pour la dégustation professionnelle de whisky aux côtés d'un éducateur bienveillant. Avec une petite bande de paumés dont il a fait connaissance via ses TIG, Robbie entrevoit une porte de sortie de son quotidien via la possibilité de dérober un whisky extrêmement rare et cher...
Attention risque de spoilers
Le film en lui-même est très bon. La mise en scène est maîtrisée, l'histoire est pleine de rebondissements aussi inventifs qu'inattendus. Le portrait des personnages et de leur milieu social évite le misérabilisme de manière intelligente car le film comporte beaucoup d'humour et de bienveillance envers ses protagonistes. De plus, même si ces derniers sont de vrais bras cassés amochés par la vie, ils sont capables de beaucoup d'inventivité.
Pourquoi un avis si moyen alors ?
Mon problème de fond avec le film est qu'à la fois on est dans le cinéma social (avec des situations dures), mais qu'en même temps je trouve le film parfaitement immoral. On voudrait pouvoir dire que le héros rencontre plein de difficultés mais finit par s'extraire de ses problèmes à force d'abnégation et de travail, mais à la place :
1) il se découvre de manière très facile un talent caché de dégusteur de whisky
2) il réunit de l'argent non pas par des moyens honnêtes mais par le vol (certes le vol est sans conséquence car personne ne s'en rendra compte, mais on n'est pas quand même hors de ce qui est moral)
3) le protagoniste garde tout l'argent volé pour lui, alors que le début du film nous a montré que le héros avait bousillé la vie d'un pauvre type innocent en le frappant jusqu'à le rendre lourdement handicapé. Pourquoi ne pas utiliser une partie de l'argent volé pour essayer de se racheter auprès de la victime?
Une personne avec qui j'ai vu le film m'avait dit que c'est une belle histoire quand même, car le jeune héros arrive à sortir de tout ça. OK, mais le gars qu'il a agressé, lui il est en sorti de son handicap ? Le héros n'est jamais dans une quête de rédemption, il fait tout pour lui-même et n'est jamais dans une logique de réparer les torts causés, sauf si c'est à son avantage.
J'ai peut-être l'esprit obtus, mais il me semble que le cinéma social devrait aussi avoir l'obligation d'être moral. Dans les films des frères Dardenne par exemple, les personnages font souvent des grosses conneries, mais ils le paient souvent très cher, il n'y a pas de porte de sortie magique aux problèmes. D'ailleurs, ça finit souvent mal, mais avec des nuances subtiles. Ce ne sont certes pas des comédies, la réalité est dure et est montrée de manière neutre, presque documentaire. Le message est sain.
La Part des Anges a une certaine dimension comédique, mais le tableau social est beaucoup trop fort pour considérer le film comme une "comédie sociale". Rien n'est réellement caricaturé ou dénoncé, du coup le film est fataliste et finalement amoral : il est impossible de s'en sortir par des moyens légaux. Même si c'est sans doute en partie vrai, ça ne l'est pas complètement.
Derrière le film, il y a un message politique latent : celui de la relativisation de la délinquance en fonction de l'appartenance à un certain milieu social. J'ai toujours trouvé que cette idée politique portée par une partie de l'extrême gauche était parfaitement nauséabond : en relativisant le recours à la criminalité, on insulte tous les travailleurs pauvres qui galèrent honnêtement pour s'en sortir, et qui y arrivent parfois (rarement, certes).
J'ai largement préféré Un Petit Boulot par exemple, dans le genre de film qui a une dimension sociale (et où le héros commet d'ailleurs des actes bien plus graves), mais là le film e car on est dans le registre de la franche comédie.
Ou encore The Full Monty, qui se e aussi dans les banlieues britanniques martyres de la mondialisation, et où les personnages rencontrent aussi 1000 difficultés. Mais là ils finissent par s'en sortir d'une manière honnête, grâce à leur travail (ce ne sont pas des génies innés de la danse comme Robbie l'est avec le whisky - ils doivent s'entraîner longtemps pour faire leur spectacle de strip-tease) et à leur abnégation (avoir le cran de se foutre à poil devant toute la ville).
En bref : un film fort bien réalisé, mais dont je trouve que le message général est mauvais car immoral. C'était la première fois que je voyais un Ken Loach, allez je vais me motiver pour en voir d'autres pour voir si je reste sur le même avis.