"La révélation espagnole du siècle" selon Pedro Almadovar, comme le clame l'affiche. C'est un procédé souvent utilisé est rarement pour le meilleur, comme avec Big Bad Wolves l'été dernier, soutenu par Quentin Tarantino. Même si on est loin de cette affirmation, La Nina de Fuego est un film intriguant comme son héroïne, à la lenteur fascinante.
Le film ne se raconte pas, mais se vit. Le réalisateur Carlos Vermut; dont c'est le second film; joue avec le spectateur, en effectuant des aller/retour dans le temps, tout en nous emmenant dans de multiples directions. Le but n'est pas de nous perdre en route, mais de nous manipuler et de nous prendre à contre-pied, comme va le faire son héroïne Barbara (Barbara Lennie).
On est sous le charme de cette femme psychologiquement fragile et soumise à son mari. On est aussi en empathie pour Alicia (Lucia Pollen) atteinte d'une leucémie. Deux personnages féminins, un ange et un démon, ou l'inverse ? Luis (Luis Bermejo), le père de la dernière, va tout mettre en oeuvre pour assouvir les rêves de sa fille, jusqu'à en perdre la raison.
La raison est un des thèmes du film, il est associé à l'émotion, des sentiments entre lesquels oscille le peuple espagnol. Un combat entre les deux s'engage, lequel va prendre le pas sur l'autre, là est le véritable enjeu de ce film qui tente de comprendre l'âme ibérique.
Cette dualité va être définie à travers la corrida, ou le taureau affronte un toréador, soit l'émotion face à la technique. C'est le reflet de l'état d'esprit de ce pays en pleine indécision, au contraire des états nordiques "dits" cérébraux, alors que le moyen-orient est dans l'émotion. Dans l'impossibilité de faire un choix, ils sont toujours à la recherche de leur identité, dans une Espagne en pleine crise économique où les rues et bars sont désertés. Dans ce calme apparent, se cache un volcan en sommeil. Le hasard va le réveiller, au risque de le voir entré en éruption.
Le film est d'une lenteur hypnotique. La réalisation glaçante de Carlos Vermut est envoûtante, comme la beauté vénéneuse de Barbara Lennie. Les plans, comme les personnages, sont extrêmement bien travaillés. La direction d'acteurs est tout aussi réussie, que son montage et sa forme visuelle. C'est un puzzle, où chaque pièce est vitale pour parvenir à finir l'histoire, mais si elle en manque une, tout peut déraper.
C'est souvent déroutant, les pistes sont brouillées et l'horreur se déroule hors-champ. Ne pas voir, mais savoir, a plus d'impact dans l'esprit du spectateur. On est mis constamment à contribution au cours du récit, en tentant de comprendre et de deviner ce qui va se er après chaque révélation. Dans ce drame psychologique, le spectateur ne se contente pas de regarder les événements. Son imagination est mis à contribution et c'est rarement agréable. Le film nous sort de notre zone de confort et comme Enemy l'année dernière, il nous colle à la peau longtemps après être sorti de la séance. Certes, c'est moins tordu et réussi, mais il nous secoue assez, pour rester à l'esprit.
Après La Isla Minima, le cinéma espagnol prouve avec La Nina de Fuego qu'il se porte très bien, en se révélant plus audacieux que la plupart des productions actuelles. Ce labyrinthe est une expérience visuelle et narrative à vivre, au risque d'y perdre la raison, en étant emporté par nos émotions face à la petite fille de feu.