🎬 LA MER AU LOIN - Saïd Hamich | ⭐ 8,5/10
Voilà typiquement le genre de film qui ne parlera pas forcément à tout le monde mais auquel j'ai totalement adhéré et que j'aime qualifier de "grand petit film".
Il suit Nour, qui a émigré clandestinement à Marseille, au début des années 90, sur une période de dix ans. À la fois un récit d'apprentissage et une chronique de l’exil qui raconte l’errance, la débrouille, la peur de l’expulsion, mais aussi les moments de tristesse et de joie, de découragement et d’espoir, au fil des rencontres...
L'ensemble est intelligemment découpé en cinq actes, avec des ellipses de deux ans entre chaque, donnant ainsi constamment du souffle au récit. Si sa première partie, ultra réaliste sur les conditions de vie des immigrés clandestins, revêt des allures de documentaire, le film prend ensuite un virage beaucoup plus romanesque jusqu'à se transformer en mélodrame.
Un récit au charme désuet indéniable qui frappe par sa pudeur et son élégance, le tout teinté en permanence d'une forme de tristesse, renforcée notamment par l'omniprésence de la musique raï, aux accents aussi festifs que mélancoliques, et qui nous rappelle la portée sentimentale et le pouvoir réconfortant de la musique. Un sentiment également évoqué par l'un des personnages lors de l'épilogue : "Les riches fuient la tristesse, nous on l'aime et on apprend à vivre avec".
Le film est remarquablement interprété. Le magnétisme et la classe d'Anna Mouglalis irradient le film d'un bout à l'autre. Grégoire Colin incarne le personnage atypique de Serge, avec un physique et un look tout droit sortis du cinéma de Kaurimäski. Ayou Gretaa, sombre et solaire à la fois, est parfait pour illustrer ce mélange de fragilité et de force, et la quasi impossibilité pour ces migrants qui abandonnent tout dans l'espoir d'une vie meilleure pour eux et pour les leurs, à trouver une forme de sérénité. Les relations qui se nouent entre les trois protagonistes sont complexes, bien loin des stéréotypes et frappent par leur liberté.
Avec ce deuxième long métrage, Saïd Hamich prouve qu'il est possible, même avec des moyens modestes, de réaliser une oeuvre puissante, un magnifique roman sur l'exil.
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