La Marie du port
6.5
La Marie du port

Film de Marcel Carné (1950)

Marie cherche mari

De l'avis général, la carrière de Marcel Carné après-guerre n'atteindra plus jamais les sommets du réalisme poétique des années 30, dès lors que Jacques Prévert ne sera plus présent pour assurer les dialogues.

A cet égard, "La Marie du port" constitue un cas particulier, car si Prévert n'est pas crédité officiellement au générique, c'est bien l'illustre poète qui officie à l'écriture, signant des dialogues souvent inspirés - même si l'on pourra trouver le film trop bavard.

Carné se heurte en effet à la difficulté de transposer l'univers de Simenon au cinéma : tout ce qui e à l'écrit dans les romans très "statiques" de l'écrivain liégeois (état d'esprit des personnages, atmosphères des lieux...) a du mal à traverser l'écran, contraignant le réalisateur à multiplier les dialogues descriptifs/explicatifs.

"La Marie du port" m'a d'ailleurs souvent rappelé "Le sang à la tête" de Gilles Grangier, avec lequel il partage de nombreux points communs, outre l'acteur principal : dans les deux cas, il s'agit d'une adaptation de Simenon, le récit se déroule dans un port de la côte Atlantique (ici Port-en-Bessin dans le Calvados), et Jean Gabin interprète un homme riche qui s'ennuie en ménage.

Dans le film de Carné, Gabin incarne un chef d'entreprise volage, qui s'éprend de la jeune sœur de sa propre compagne, mais résiste à sa pulsion, non par morale ou par fidélité, mais en raison de sa profonde misogynie! Le héros est en effet persuadé, à tort ou à raison, que la demoiselle (qualifiée par certains de "sournoise") recherche avant tout une existence confortable à ses côtés.

Au age, la jeune et jolie Nicole Courcel apparaît comme le choix idéal pour ce rôle complexe, car son beau visage insondable a conservé certains vestiges de l'enfance, à l'image de ses joues encore pleines.

"La Marie du port" constitue donc une chronique provinciale douce-amère : tout y apparaît terne et grisâtre, et personne ne trouve réellement le bonheur - en dépit d'un happy end par défaut qui ne trompera que les plus naïfs.
A cet égard, Carné a bien cerné l'esprit de Simenon, restituant efficacement l'atmosphère confortable mais ennuyeuse du roman (incarnée parfaitement par le personnage de Blanchette Brunoy). Par ailleurs, le film me semble refléter assez fidèlement la société française des années 50, dans laquelle le clivage entre ville et campagne demeure très marqué.

En revanche, le scénario manque un peu de relief et de punch, handicapé par le manque d'action, de sorte que le rythme apparaît parfois mollasson.

On appréciera au age quelques allusions cinéphiliques bienvenues, puisque le héros tient une brasserie attenante à un cinéma, dans lequel est diffusé "L'idiot" (avec Gérard Philippe), "un titre parfait pour un film d'amour", dixit Gabin lui-même...

6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les meilleurs films de Marcel Carné

Créée

le 22 juil. 2022

Critique lue 3.2K fois

8 j'aime

Val_Cancun

Écrit par

Critique lue 3.2K fois

8

D'autres avis sur La Marie du port

Un film en cale sèche !!!

J'avais oublié combien les films de l'Après-guerre de Marcel Carné était au mieux moyen, le plus souvent médiocre et ennuyeux, déjà que je trouve ceux de l'Avant-guerre et du pendant la Guerre...

Par

le 7 févr. 2016

8 j'aime

3

La Marie du port

Un film de Carné tourné en 1950 d'après un roman de Simenon (que je n'ai jamais lu). Un film d'atmosphère … La vie d'un petit port du Calvados dont on imagine bien qu'il est difficile, pour une fille...

Par

le 11 déc. 2022

7 j'aime

38

La Marie du port
10

Le dernier chef d'œuvre de Marcel Carné

Commençons par casser la légende selon laquelle le film ne trouva pas son public, en fait il cumula à sa sortie 2,6 millions d'entrée. L'autre légende est la non-participation de Prévert, il...

Par

le 10 déc. 2018

5 j'aime

6

Du même critique

L'impossible Monsieur Baby

Cette fois, plus de doute, le cinéma d'Edgar Wright, quelles que soient ses qualités objectives, n'est définitivement pas pour moi. D'ailleurs je le pressentais déjà fortement (seul "Hot Fuzz"...

le 20 juil. 2017

60 j'aime

15

Compartiment tueurs

C'est le genre de film qui me file un méchant coup de vieux : c'est bruyant, bavard, ça se veut drôle et décalé mais perso ça m'a laissé complètement froid, tant les personnages apparaissent...

le 4 août 2022

50 j'aime

18

Le nouveau détective

Le magazine haut de gamme des faits divers français, qui contrairement aux (nombreux) ersatz sur la TNT, propose toujours des enquêtes sérieuses, très documentées, sachant intriguer sans tomber dans...

le 2 avr. 2015

50 j'aime

11