Belle cohabitation que celle du documentaire visuel et l’univers sonore de Radio . Nicolas Philibert s’invite dans les couloirs incurvés de la célèbre ruche nationale, et pose sa caméra partout.
C’est évidemment, pour l’auditeur fidèle de stations comme Inter, Culture ou Info, l’occasion de mettre des visages sur des voix parfois historiques, et de donner une réalité nouvelle à l’immatérialité, voire l’évidence de ces émissions qui sont chez nous, dans nos voitures ou nos casques, avec une intimité étonnante et qu’on n’a pas trop coutume d’interroger.
Philibert a l’intelligence de ne pas déer son domaine de compétence : nulle voix off, presque pas d’interview, mais un montage très travaillé dans lequel les échos se répondent : les voix, le travail, les silences, les déplacements, jusqu’à une incursion avec les arpenteurs du pays en quête de sons, du Tour de aux chasseurs d’orages en ant par le public enthousiaste du jeu des 1000 euros.
L’iration pour ces orfèvres de la voix et de la diction est souvent contagieuse : on apprendra ainsi comme faire un flash sans virgule, quel tri se fait avec le flot continu de l’information et comment considérer ses horreurs comme des faits pour pouvoir les traiter. On assistera aux hésitations minutieuses de lectures littéraires ou de théâtre radiophonique, sur une inflexion ou une tonalité… le tout au profit d’une émission de Culture dont on préfère ignorer les chiffres d’audience. C’est là aussi le pari de ce film, que de saluer le dévouement et le sérieux d’artisans invisibles au profit de zones sanctuarisées par un service public que le monde entier nous envie.
Cette incursion dans ce monde ionné et dévoué n’est donc pas à présenter au regard de tous les contribuables : parce qu’au-delà de l’information, Philibert s’attarde surtout sur ces zones d’ombre, cette diversité culturelle et ce désir sans cesse renouvelé de faire découvrir, en manifestant de l’intérêt pour les anonymes, l’insolite et les questions de fond. Braquer sa caméra sur les travailleurs de la radio, c’est aussi rendre hommage aux ambitions et à l’exigence d’un système subventionné, qui fait de l’inutilité de la culture la clé de voûte de notre épanouissement.