Redécouvrir la filmographie de M. Night Shyamalan au moment où il connait un regain d'intérêt est plus qu'intéressant. Par exemple : porter un oeil neuf sur Incassable alors que le film de super-héros connait de vraies faiblesses après 10 ans d'exploitation permet de voir ce qu'il a apporté comme idée d'écriture et de mise en scène. Et donc, l'étape suivante naturelle est évidente : voir là où ça a merdé, quel fut le premier vrai gadin dans sa carrière. Il semblerait donc que, pour le box-office, ce soit La Jeune fille de l'eau.
Le film raconte donc la rencontre entre un homme qui est devenu gardien d'immeuble pour se réfugier après un drame et une étrange jeune femme apparue dans la piscine dudit immeuble, et le rôle que vont jouer les habitants divers et variés pour permettre la nymphe d'accomplir son but. On a deux indices évidents sur la tournure que va prendre le scénario : comme cette jeune femme se nomme Story, Shyamalan se donne un rôle d'auteur incompris et qu'un critique ultra-analytique débarque très vite, c'est clairement un film sur comment se construit et se raconte une histoire originale qui plaire et sera comprise par tous. Projet ambitieux.
Mais le résultat est bof. La superbe affiche annonce un conte féérique, sauf qu'on se retrouve à suivre les locataires d'un immeuble de banlieue dont on ne sortira jamais, locataires dont la caractérisation est justement faite pour tromper les attentes (Young-Soon est présentée comme un corps avant d'être fondamentale pour faire avancer le récit par la traduction du conte de sa mère), mais dont le trait est parfois trop forcé (qui est assez con pour ne muscler qu'une moitié de son corps ?) et adhèrent beaucoup trop facilement au délire général. Franchement, vous voyez votre gardien sympathique mais solitaire débarquée avec une jeune femme blessée, à moitié nue et mutique, et vous acceptez une histoire de nymphe, de loup couleur pelouse et d'aigle géant ? Vous le suivriez s'il vous disait qu'il suit des messages lus dans les mots croisés ou les dessins de boîtes de céréales ? Et puis l'histoire imaginée au final, c'est le conte raconté au début ? Pourquoi alors le raconter dès le départ si c'est pour er sous silence la multiplication des acteurs nécessaires à la réalisation (l'Interprète, le Gardien, la Guilde, le Guérisseur, etc..) ?
Cependant, il y a l'humour. Le décalage apporté notamment par les interventions du critique sont toujours assez bien trouvés et le brisage de 4e mur fonctionne assez bien en soi. Ensuite, il y a les acteurs, tous plutôt convaincants, Paul Giamatti le premier. Et la photographie est assez folle, trouvant toujours un moyen de faire ressortir la chevelure rousse de Bryce Dallas Howard pour souligner son décalage avec le monde.
Mais au final, ce n'est pas étonnant que le film se soit planté. Le décalage entre l'histoire montrée et l'histoire construite est trop grand et ne peut que laisser perplexe. C'est un film qui demande beaucoup trop d'analyse et une connaissance certaine du cinéma pour plaire au plus grand nombre. Avec en plus, le message envoyé aux critiques qui, selon le réalisateur, ne le comprennent pas encore, pas étonnant qu'il soit conspué.