1919, à l'issue de la Première Guerre Mondiale. Karoline se fait expulser de son domicile, ne parvenant plus à en assumer seule le coût depuis la disparition au front de son mari, dont l'absence de nouvelles l'empêche d'avoir un certificat de décès pour espérer obtenir quelque avantage à ce titre. De ce point de départ découlera une plongée dans un long cauchemar, car dans sa situation, en tant que femme située en bas de l'échelle sociale, la liberté ne se trouve pas dans la lumière.
Le film est sombre et froid, et tout participe à nous plonger dans cette ambiance désespérée et mal aimable. Les décors, le noir et blanc, la bande son... Le travail effectué est très impressionnant, et quoiqu'on pense du film, il est difficile de nier sa richesse artistique. Qu'il s'agisse de la ville, des costumes et décors, de la bande son ou encore du montage, tout est parfaitement maitrisé. Vous qui entrez ici, abandonnez tout espoir. Il m'a grandement évoqué un autre film récent qui, dans son style, nous étreignait de tout son désespoir, nous oppressant continuellement en nous faisant subir le quotidien d'une femme prisonnière de tout et d'elle-même : The Devil's bath, de Severin Fiala et Veronika Franz.
J'ai eu du mal à cerner Karoline, me questionnant sur les décisions qu'elles prenait, jusqu'à ce que je pense comprendre. J'y ai vu une femme qui semblait vivre continuellement dans une prison à ciel ouvert.
Prisonnière de son statut social, qui la prive d'une histoire trop belle pour qu'elle y ait droit.
De son mari, de son absence qui la condamne à vivre dans un taudis, jusqu'à son retour à subir ses traumatismes physiques et psychologiques, et sa volonté de paternité.
De son corps, qui abrite un enfant né d'une union impossible et désormais destiné à son mari, dont c'est la seule chance de pouvoir encore être père.
Bref, prisonnière des chaines invisibles d'une oppression systémique. Jusqu'à sa rencontre avec Dagmar, lors d'une tentative de se faire avorter elle-même avec une aiguille. Une rencontre qui l'amènera à s'imaginer pouvoir choisir, quitter cette prison. Mais cette quête à disposer de sa vie ne se fera pas sans traverser quelques macabres épreuves.
L'histoire est par moments trop étirée, certains ages auraient gagné à être plus brièvement traités. Combiné à l'ambiance froide au possible, rendant difficile l'attachement émotionnel aux personnages, et à la psychologie de Karoline souvent difficile à saisir, le film peut aisément rebuter. Ces défauts ne m'ont toutefois pas empêcher d'apprécier l'ensemble.
Un cauchemar du réel donc, prêt à nous briser dans sa longue et douloureuse étreinte, celle d’une quête d’émancipation écrasée sous le poids d’une réalité implacable, où chaque espoir semble se dissoudre dans l’ombre de la société qui enferme Karoline.