Les minutes du procès de Jeanne d'Arc sont un scénario à elles seules. Joseph Delteil interprète et met du liant pour en faire un roman. Dreyer taille, coupe pour revenir à l'essentiel.
Il avait prévu de faire un film parlant, mais il n'a pu obtenir les moyens nécessaires. Il doit donc réduire ses dialogues et les mettre en cartouche. Parallèlement, il doit "faire parler les images" et ça, Carl Théodor Dreyer sait faire.
Il met l'accent sur l'expressivité des acteurs, choisit "des gueules". Renée Falconetti dite maria (elle est d'ailleurs créditée deux fois dans la fiche casting de SC), est choisie pour son regard tragique et aussi parce que c'est une actrice de théâtre. Elle se révèle très malléable sous la direction exigeante de Dreyer.
Certains pourront donc trouver le jeu des acteurs outré, voire pompier, mais le résultat est étonnant. En regardant ce film, on a l'impression de lire sur les lèvres des personnages. On comprend les paroles avant de voir les sous-titres. C'est la démonstration que les images peuvent tout exprimer. Avec ce film, le muet atteint un sommet.
Le thème de ce film est très moderne. Nous assistons à la confrontation d'une croyante simple, armée de sa seule bonne foi à des théologiens fanatiques ou factieux. En point d'orgue, le choix cornélien (ne devrait-on pas dire "arcien"?) qu'elle devra affronter.