Sorrentino le falsificateur, ou l'homme à la vulgarité parfois fascinante...

Paolo Sorrentino reste pour moi une énigme, un cas d'école. J'ai beau me dire que son cinéma est en partie une arnaque, de l'épate bourgeois, je ne parviens pas à éviter de me retrouver pris au piège, comme hypnotisé, ponctuellement, et ce quel que soit le film.


"La grande bellezza" en est le parfait exemple. Des mots tels que fake, boursouflures, putassier (Je ne me remets pas du coup du niqab), pubard, outrance vide n'ont cessé de me er par la tête lors de ces 142 minutes de tours de force épuisants et souvent vains, et pourtant, j'ai été saisi par instants, en particulier lorsque Sorrentino explore à fond ce qui semble son obsession, le faux-semblant, lorsqu'il ose faire apparaître ces flamants roses aussi fascinants que ridicules, lorsque l'abstraction remplace les phrases sentencieuses qui débarrassées de leur apparat de mise en scène sonneraient bien creux.


Pareillement je ne parviens pas à savoir si ce film est un hommage à "dolce vita", s'il en est le prolongement actualisé et survitaminé ou un plagiat plein à ras bord de vanité et de vacuité. Mais c'est en cela que le Paolo est un malin, car il serait facile pour ses défenseurs de me rétorquer qu'il ne fait justement qu'illustrer ces deux qualificatifs plaqués à la société qu'il dénonce par les armes à sa disposition, celles du cinéma. Ainsi les outrances de sa caméra, les effets et métaphores surlignants, le surréalisme de certaines « scènes animalières » ne seraient employés que pour mieux imager ses freaks.


Cette hypothèse serait implacable si le bonhomme n'utilisait pas les mêmes moyens dans une grande partie de sa filmographie récente. - (Je tiens en grande estime "Silvio et les autres" par exemple permettant de légitimement soupçonner l'emploi d'une recette plus qu'un geste de cinéaste de génie.


Et si après tout c'était Sorrentino lui-même qui donnait la réponse à ces questions, à travers les mots de conclusion de Jep Gambardella :



Il y a un truc, c'était du bla-bla-bla...



Aveu implicite ou énième truc de malin ?

5
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Tout est politique

Créée

le 11 déc. 2021

Critique lue 911 fois

15 j'aime

1 commentaire

takeshi29

Écrit par

Critique lue 911 fois

15
1

D'autres avis sur La grande bellezza

Le tourbillon de la vanité

Le prologue du film est on ne peut plus programmatique. En mouvement constant, il explore dans toute la latéralité possible une place et les gens qui s’y croisent, avant qu’un micro événement – la...

le 2 juil. 2013

73 j'aime

Fortement, à Rome, attisé

En fêtes, tu es un garçon plutôt triste Au fond, quoi de plus lugubre qu’une fête ? Attention, je ne parle pas d’un soirée improvisée entre pote ou une bonne bouffe en nombreuse compagnie. Encore...

Par

le 17 nov. 2013

63 j'aime

10

La Grande Beauté perdue dans le Néant

En 1960, La dolce vita libère l'imaginaire de Fellini et lui ouvre les portes de l'onirisme et de la psychanalyse. En effet, pour la toute première fois, il raconte et dépeint généreusement un monde...

Par

le 23 janv. 2014

57 j'aime

Du même critique

Éric Zemmour : " "Ernest et Célestine" ? Un ramassis de propagande gauchiste "

"Ernest et Célestine" est-il un joli conte pour enfants ou un brûlot politique ? Les deux mon général et c'est bien ce qui en fait toute la saveur. Cette innocente histoire d'amitié et de tolérance...

Par

le 15 avr. 2013

286 j'aime

34

Alors, formidable comme "Formidable" ?

En 2010, la justice française m'avait condamné à 6 mois de prison avec sursis pour avoir émis un avis positif sur le premier album de Stromae (1). La conclusion du tribunal était la suivante : "A...

Par

le 18 août 2013

259 j'aime

34